« It's harder than it seems »

Annalisa&Elea

Finalement, changer de ville ne voulait pas dire changer d'habitudes. La seule chose qui différencie mes activités d'aujourd'hui de celles de Rome sont les lieux, et les personnes que je rencontre. Enfin, rencontrer est un bien grand mot. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de parler beaucoup depuis mon arrivée. Mis à part Léandra. Il faut dire que pour le moment, je me préoccupe plus de ma future école, des papiers pour l'inscription, que du reste. Les rencontres passeront plus tard ! Moi qui pensais qu'en une semaine, tout serait réglé... Tous comptes faits, c'est plus compliqué que je ne l'avais imaginé. En attendant une réponse définitive de l'école, je passe mes journées à visiter Naples, ou trouver un endroit calme pour dessiner. Et la villa Floridiana est l'un de ceux que je préfère. Rien à voir avec le petit parc que je m'étais trouvé à Rome, près de chez moi. Celui-ci est beaucoup plus grand, et mieux entretenu. Je n'ai pas vraiment pris le temps de le visiter entièrement, mais j'ai pu déjà repéré quelques coins où me poser pour dessiner en paix. En particulier celui où je me trouve en ce moment même. Sous un arbre, entre l'ombre et la lumière, dans une petite clairière où il y a peu de monde. En général, j'ai souvent besoin de modèles pour dessiner. Des passants, des oiseaux... Mais mon inspiration du moment ne demande rien de tout ça. Ce que je dessine ? C'est un peu abstrait, à vrai dire, moi-même je ne saurai dire ce que ça représente. Un visage ? Peut-être bien. Mais celui de qui ? D'une fille. C'est tout ce que je peux en dire, pour le moment.

Je fouille dans mon sac et en sors une bouteille d'eau, tout en regardant ma feuille, peu fière. De toutes manières, je n'aime jamais ce que je fais ! On ne me changera pas, perfectionniste... Si je m'écoutais, à chaque coup de crayon, je jetterai la feuille. Mais ça coûte cher, à force, le papier à dessin ! Alors je gomme, ou je fais en sorte de faire quelque chose de potable. Combien de fois ma mère m'a-t-elle répété que j'avais un vrai talent. Je n'ai jamais su vraiment y croire. Et pourtant, je n'ai jamais remis en questions les paroles de ma mère, mis à part sur ce sujet, visiblement... Je pousse un long soupire, après avoir bu une gorgé d'eau, puis range la bouteille. Cet endroit est un peu trop calme. Si encore, on pouvait entendre des chants d'oiseaux, ou des enfants jouer. Mais rien. Je sors alors mon mp3 et mets mon casque. C'est tout de suite mieux. Je monte un peu le son en chantonnant et reprends joyeusement mon dessin, lorsqu'une silhouette me coupe dans mon élan. Une jeune fille vient s'installer sous un arbre, non loin en face de l'endroit où je me trouve. Je l'observe un instant. Je dirais même, que je la dévisage. Allez savoir pourquoi, cette inconnue me rappelle quelqu'un... J'aurais juré la connaître, mais je sais bien que ce n'est pas possible. Je connais personne à Naples.

Apparemment, elle ne m'a pas remarqué, ce qui me permet d'ailleurs de pouvoir continuer à la regarder. Elle vient de sortir un livre de son sac et semble déjà dans son petit monde. Un faible sourire se dessine alors aux coin de mes lèvres. Je déchire lentement la feuille sur laquelle j'étais en train de crayonner, et commence à la dessiner derrière celle-ci, jetant de temps à autres, un regard dans sa direction. Elle ne bouge pas d'un cheveux, c'est d'autant plus facile de dessiner. Mon sourire n'ayant toujours pas quitté mes lèvres, je m'applique de mon mieux, reproduisant chaque détails de son visage visible au soleil. Et alors que je changeais de musique sur mon mp3, un coup de vent emporte la feuille, qui part s'accrocher je ne sais comment, dans une branche de l'arbre sous lequel je suis assise. « Oh nan c'est pas vrai ! » Sifflais-je tout en me relevant. Ça n'arrive qu'à moi ce genre de choses ! Je regarde un moment où la feuille a atterrit, et pensant que celle-ci était facilement atteignable, je tente de grimper à l'arbre avec mon habileté légendaire... Non, sans blagues, même un gamin de deux ans y arrivait beaucoup mieux. En espérant que la jeune fille ne m'ait toujours pas remarqué, sinon je suis bonne pour aller me foutre un sac sur la tête... Je dois avoir l'air d'une folle sortie d'un cirque.

C'est vrai, j'aurais aussi bien pu laisser cette feuille dans l'arbre, après tout ce n'est qu'un bout de papier, je ne sais même pas pourquoi je m'acharne autant à le récupérer, pour le moment, tout ce que j'y gagne, c'est de me donner en spectacle devant une jolie fille. Bravo. Ah ça, pour me faire remarquer de la façon la plus débile, je suis la reine ! Et pourtant, je ne lâche toujours pas l'affaire, j'en suis à la moitié du chemin. « Excuse moi? As-tu besoin d’aide? » Évidemment, je savais très bien que cette fille allait finir par avoir pitié de moi... « Hein ?! » Lançais-je du haut de ma branche, « Heu... » Je m'arrête un instant pour regarder dans quelle position je me retrouve, bien plus lamentable que je le pensais, d'ailleurs. « Non... merci. C'est juste ce bout de papier... » continuais-je en reprenant ma course contre cette feuille, qui me nargue depuis tout à l'heure. En tendant le bras et manquant presque de me déboiter l'épaule au passage, je réussis enfin à attraper mon dessin, mais celui-ci se déchire en deux lorsque je tente de le tirer de sa branche. Je vous laisse deviner où part l'autre bout... Bingo. Pile devant la brunette. Faut croire que la poisse me poursuit, mais ça ce n'est pas nouveau. Je regarde la feuille, puis la jeune fille, qui a baissé la tête vers celle-ci. Comme dans les films, la scène tourne au ralenti ; elle se baisse pour ramasser le dessin. Ce n'est pas si atroce que ça me direz vous. Sauf que pour moi, c'est une vraie catastrophe. J'ai horreur que quelqu'un voit ce que je fais, mais si en plus, c'est un portrait de l'intéressé, je n'ai plus qu'à sortir une corde et me pendre à cet arbre. Je reste muette, toujours perchée sur la branche, comme une abrutie. A cet instant, je dois être rouge de honte.

Je me décide enfin à descendre, après avoir rangé l'autre moitié du dessin dans ma poche. Finalement, j'aurai mieux fais de laisser ce foutu bout de papier là où il était. Avec un peu de chance, la brunette ne se rendra même pas compte que ce dessin est censé la représenter, mais je ne pense pas qu'elle soit aussi stupide. La fille dessinée sur la feuille est assise dans la même position et tient un livre dans une de ses mains. Hin ! Si elle ne remarque pas que c'est elle, c'est que je dessine vraiment comme un cul... « J'espère... que ça te dérange pas de t'avoir pris comme modèle... » Mais ta gueule Elea ! « De toutes façons, le dessin est foutu maintenant. » N'osant plus relever la tête vers elle, je retourne à ma place pour ranger lentement mes affaires. Parce que vous pensiez que j'allais m'attarder ici ? Je viens de me ridiculiser devant cette fille, et encore, heureusement que je ne me suis pas prise une belle chute de la branche. Moi qui voulait bien commencer cette nouvelle vie. Entre la coloc' asociale et ma connerie irréparable, je suis plutôt bien partie... Dommage, cette fille était mignonne, j'aurais bien tenté ma chance pour apprendre à la connaître un peu. Qui sait, peut-être qu'elle est nouvelle aussi ? On s'en fou, c'est raté.

Une fois mes affaires rangées à l'arrache dans mon sac, je m'apprête à partir. La jeune inconnue n'a pas dit un mot. J'ai dû lui faire peur, pour changer. Je pousse un long soupire, quittant d'un pas rapide la clairière en bafouillant « Pardon pour le dérangement. » Ouais, il m'arrive de fuir. Souvent, d'ailleurs, la preuve. De toutes manières, il y a peu de chances que je la croise à nouveau, du moins, si je ne retourne pas là-bas. Je suis moi-même surprise de ma réaction, habituellement, je me moque quand il m'arrive d'être maladroite, et je reste sociable ! Mais là, je suis limite partie en courant. J'ignore si c'est le fait que cette fille ait vu mon dessin, ou si c'est parce que son visage m'intrigue. Dans tous les cas, ça ne change rien. Sans ralentir le pas, je fouille dans mon sac et récupère mon mp3, et... Je m'arrête. « Mon casque ?! » Merde ! Je l'ai oublié sous l'arbre... Plutôt crevée que de le laisser là-bas ! Je fais rapidement demi-tour et sursaute en voyant la jeune brunette, non loin derrière moi.

‘’Hein ? Euh… Non merci ; C’est juste ce bout de papier…,,

Je la regardais, et en si peu de temps où elle me regarda j’eu le temps d’examiner son visage et son regard. Elle était d’un roux brillant ; Un peu renard. Ses petits yeux noisettes étaient sublime . essayer de d’attraper ce morceau de papier qui lui donnait apparemment beaucoup de fil à retordre. Je la voyais peinant à se déboiter l’épaule essayant d’attraper son bien. Et c’est alors que lors qu’elle arriva enfin à l’atteindre ; que sa feuille se déchire. J’imaginai sa mine dépitée alors qu’elle s’était donnée tant de mal pour la récupérer indemne. La feuille descendit de l’arbre bercée par le petit vent qui s’était installé dans le Parc. Et elle vola jusque mes baskets. Je me baissai afin de récupérer le morceau déchiré. Il y avait un visage de dessiné.
Une jeune femme d’une vingtaine d’année ; Les cheveux mi- long et une frange assez semblable à la mienne. Des traits fins mais assez fatigués. La jeune femme était postée sous un arbre avec un vieux livre ou du moins quelque chose qui y ressemblait car il me manquait cette partie du dessin. La rouquine avait l’air gênée alors que moi j’étais tellement absorbée par ces esquisses tellement parfaites que ça aurait pu donner les larmes aux yeux à quelqu’un qui aimait l’art plus que tout .

« J'espère... que ça te dérange pas de t'avoir pris comme modèle... De toutes façons, le dessin est foutu maintenant. »

Quoi ? Moi être derangé ? Du tout c’était même plutôt flatteur. Je voyais qu’elle était gênée son regard se perdait du niveau de ses chaussures et son teint avait rosi. Elle rangea ses affaires « à l’arrache » et s’excusa du dérangement. J’avais toujours la moitié du dessin entre les mains. J’ai une tête à faire peur ou à manger les jolies rousses ? Je sais pas peut être qu’elle m’a senti de loin moi et ma bizarrerie légendaire ? Je retournai au niveau de mon casque lorsque j’aperçu le casque de la jolie rouquine. Elle avait dût l’oublier dans l’empressement et la gêne. C’est alors que je rangeai le morceau de papier dans mon livre et mit celui-ci dans mon sac afin de partir dans la direction de la jeune rousse. C’est alors que j’étais proche d’elle ; Qu’elle dût se rendre compte qu’elle l’avait oublier car elle fit volte-face. Je n’étais plus qu’à quelques mètres d’elle et ils se firent tout seul. Je lui souris et lui tendis son casque

« Tiens, Tu l’as oublié au pied de l’arbre. Et non ça ne me gêne pas que tu m’es dessinée. D’ailleurs tu as vraiment un don, c’était très beau. Même plus beau que moi haha. »

Une main derrière la nuque, je regarde la jeune brune s'approcher de moi, sans oser dire quoi que ce soit. Son sourire me rassure, mais je me sens toujours aussi conne, encore plus vu que j'ai agis comme telle. Franchement, si je m'écoutais, je partirai en courant, mais j'en ai marre de fuir tout le temps, dès qu'une personne m'impressionne où dès que je me retrouve dans une situation que je trouve désagréable. « Tiens, Tu l’as oublié au pied de l’arbre. Et non ça ne me gêne pas que tu m’es dessinée. D’ailleurs tu as vraiment un don, c’était très beau. Même plus beau que moi haha. » Plus beau qu'elle ? Ça m'étonnerais. « Merci... » Répondis-je en récupérant timidement le casque qu'elle me tend. « Tu m'as inspiré. T'as un très joli visage, ça aurait été dommage de rater ça. Ça me rassure, au moins, que ça ne t'ai pas dérangé. C'est pas le cas de toutes les personnes que j'ai déjà pu dessiner. » Un fin sourire se dessine au coin de mes lèvres. Le fait qu'elle soit revenue vers moi m'a donné un peu d'assurance, même si elle n'est là que pour le casque, je suppose, pour quoi d'autres de toutes manières. Pour ce qui est des autres personnes dont je viens de parler, j'avoue en effet avoir eu quelques problèmes, seulement parce que je m'amusais à faire des croquis de leur visage. Ils ne sont pas tous comme elle, certains n'apprécient pas qu'on les prennent comme modèle, et pour ça, ils seraient capable de taper un scandale, jusqu'à attendre que je déchire la feuille devant eux, pour prouver que je n'ai pas l'intention de faire je ne sais quoi avec... Stupide, ces dessins sont pour moi, je n'en fais rien à part les garder bien enfouis dans un coin de ma chambre pour ne pas qu'on tombe dessus. Finalement, j'aurais mieux fais de prendre ma guitare plutôt que mon calepin. Le problème, c'est qu'elle est resté à Rome.

« J'ai été gênée parce que j'ai pas vraiment l'habitude qu'on voit ce que je fais... » Dis-je tout bas en rangeant mon casque dans mon sac, avant de regarder à nouveau la jeune fille. Maintenant que la gêne est passée, je peux me permettre de discuter avec elle, sans risquer de passer du blanc au rouge sur les joues. Je lui tends alors la main, un grand sourire sur les lèvres. « J'm'appelle Elea ! » C'est à ce moment que je remarque une tâche rougeâtre sur ma manche de gilet, et par curiosité, soulève celle-ci. J'affiche une grimace en voyant la belle entaille que je me suis faite au poignet, je ne l'avais même pas sentis. J'ai surement dû me faire ça en jouant au singe dans l'arbre. Pourquoi ça ne m'étonne pas ? Moi qui ai horreur de la vue du sang, enfin plus particulièrement celui des autres. Je pose une main sur la blessure. « Ça m'arrive toujours ce genre de choses, un peu comme passer pour une abrutie devant les autres. »

Ouf. Je n’étais pas si impressionnante ou flippante que ça apparemment. Elle avait juste que je lui pête un câble en sachant qu’elle m’avait prise comme modèle ma petite rousse. Elle se frottait la nuque l’air gêné en attendant que j’arrive lui porter son casque dont elle venait de se rappeler l’existence. J’arborais un grand sourire radieux découvrant son si joli sourire lorsqu’elle commençait à se dérider un peu. Je lui tendis son casque en me frottant les cheveux à mon tour d’être un peu gênée en l’écoutant prodiguer de gentilles choses sur mon visage et de l’opportunité qui s’était offert à elle en me voyant assise sous mon arbre plongé dans ma comédie préférée qu’est Roméo et Juliette de Shakespeare.

Apparemment elle avait eu quelques problèmes par rapport à ses dessins. Et aux modèles qu’elle avait pris. Ceux-ci n’avaient pas apprécié apparemment d’avoir été dessinés. Je trouve ça d’une stupidité énorme car la jeune rousse avait un talent réel. Ses traits étaient fins et bien crayonnés. Elle avait un très bon jeu d’ombres. J’aimais vraiment beaucoup son style de dessin. Même si son dessin n’était pas terminé ; je comptais bien le garder et le mettre dans mon petit agenda de poche. Je posai les yeux sur elle. Elle m’a avoué être gênée car elle avait pour habitude de garder ses dessins secrets. Garder un tel talent secret, quelle idiotie.

« Je m’appelle Elea » me dit-elle en me tendant la main que je voulu prendre aussitôt. Sa peau était douce, et blanche. Presque trop clair pour le climat qui régnait en Italie. Et tâchée. Tâchée de rouge. « Ça m'arrive toujours ce genre de choses, un peu comme passer pour une abrutie devant les autres.» Elle s’était faite une entaille assez importante au niveau de la main. Elle devait sûrement s’être fait ça en voulant descendre de l’arbre toute à l’heure. Faisant des études de médecine, je me baissai et pris dans mon sac de la gaze, et de l’eau oxygénée.

« Je fais des études de médecine. T’inquiètes pas j’vais te nettoyer ça. Au faite, moi c’est Annalisa. Appelle-moi Anna. »

Je pris sa main dans la mienne, et l’emmena sur le banc le plus proche. Je déballai tout mon matériel pour lui faire un beau pansement tandis que j’avais mouillé ma compresse, j’entrepris de nettoyer sa plaie avec soin, puis lui banda la main avec une petite bande que je ne serra pas beaucoup histoire de ne pas lui couper la circulation. Quand j’eu finis mon petit travail je la regardai avec un grand sourire et lui fis un petit « Tadam ! »

« Je fais des études de médecine. T’inquiètes pas j’vais te nettoyer ça. Au faite, moi c’est Annalisa. Appelle-moi Anna. » Mon regard s'attarde un instant sur son sac, lorsqu'elle se baisse pour récupérer je ne sais trop quoi. Je rapproche lentement ma main contre moi, tout en continuant de la serrer, comme si je pouvais arrêter le sang de couler. J'ai toujours eu une sainte horreur des hôpitaux, des blessures et de tout ce qui s'en rapproche. « Anna. » Me répétais-je tout bas, sans la quitter des yeux. « Eum... » Sans que je n'ai le temps de rajouter quoi que ce soit, la jeune brune me prend la main et m'emmène vers un banc, puis commence à sortir son matériel. Tu parles d'une coïncidence, je me blesse quand je rencontre une étudiante en médecine. Je sais pas, c'est peut-être un ange gardien, une marraine la bonne fée ou Mary Poppins. N'osant pas jeter un coup d'œil à ce qu'elle fait sur ma main, je me contente d'observer son visage. Anna semble très concentrée, ce qui me fait décrocher un faible sourire. « Tadam ! » Finit-elle par dire en relevant la tête. Déjà ?! Je regarde ma main bandée. « Oh, merci ! »

Si elle n'avait pas été là, je sais très bien comment ça aurait finit. Le t-shirt plein de sang et un mouchoir pour servir de bandage sur la main. En même temps, tout le monde ne se trimballe pas avec une trousse à pharmacie sur lui. Même si Anna est en médecine, je suis étonnée de voir qu'elle a tout ce matos dans son sac. Quel intérêt d'avoir tout ça sur soi ? A moins qu'elle tombe souvent sur des abrutis tels que moi qui se font toujours mal. Je me relève quelques secondes du banc, pour récupérer un bout de papier dans ma poche de pantalon, l'autre moitié du dessin. Je regarde un instant celui-ci, avant de le tendre timidement à la jeune brune. « Tiens, on va dire que c'est pour te remercier. » Bonjour le cadeau, un bout de papier chiffonné et déchiré, avec en prime un dessin foiré. Je me rassoies en lui adressant un sourire, et remarque à ce moment que son haut est tâché de sang. « Oh, mince. Je suis désolée pour ton haut... » Allez savoir pourquoi, j'ai la nette impression d'enchainer les conneries depuis notre rencontre. Il faut au moins que je trouve un moyen de me rattraper. Je regarde un moment le haut d'Anna en réfléchissant. « Je sais ! » Lançais-je en me relevant d'un bon. Je tends une main dans sa direction. « Viens, je t'emmène chez moi. Je dois certainement avoir un haut à te filer, et je nettoierai mes conneries. Comme ça je t'invite à boire un coup pour te remercier encore une fois. C'est pas tous les jours qu'on fait des rencontres dans ce genre de situation... » Bon, ok, elle va définitivement me prendre pour une folle. On ne se connait que depuis quelques minutes et je l'invite déjà à prendre un verre chez moi.

Anna n'a pas l'air vraiment inquiète, puisqu'elle accepte de prendre ma main. Je la tire alors en direction de la sortie du parc, mais finis tout de même par lui lâcher la main. N'en faisons pas trop non plus, elle pourrait croire que je la drague ! Et même si c'est le cas, je préfère encore que ça ne se voit pas. « Au fait, qu'est-ce que tu lisais, tout à l'heure ? » Lui demandais-je d'une petite voix en regardant mes pieds.

Heureusement, l'appartement n'est pas loin du parc, je ne sais pas si j'aurai été capable de tenir une conversation avec elle tout le trajet. Il faut bien avouer que cette fille m'intrigue un peu, et en temps normal dès que je commence à parler, je ne m'arrête plus, mais là... Le temps qu'elle réponde à ma question, nous sommes déjà arrivées devant l'immeuble. « Du Shakespeare. Roméo et Juliette. Oh, c'est ici ton appartement ? Ça a l'air plutôt sympa comme endroit ! » « Ça l'est. Enfin, ça fait seulement quelques jours que je suis ici, mais c'est calme, j'ai pas à me plaindre. » Je lui fais signe de me suivre, et lui tiens la porte pour entrer. Du Shakespeare... C'est vrai que je ne suis pas fana de lecture. Je passe plus de temps avec une guitare ou un crayon dans les mains. Enfin je connais quand même mes classiques, et je dois avouer que Roméo et Juliette reste un de mes préférés. Une fois devant l'appartement, je fouille un moment dans ma poche pour récupérer les clés. « Mais toi t'habites où ? » Demandai-je comme si c'était grave. Je trouve enfin les clés et ouvre la porte, laissant d'abord entrer Anna. J'avais presque oublié. On est dimanche, Léandra n'est pas là. Tant mieux, je ne suis pas sûre qu'elle aurait apprécié que j'invite une inconnue dans l'appartement. « Au fait, j'ai oublié de te dire. Techniquement, c'est pas vraiment mon appartement. Il est à ma coloc. » Je lui adresse un sourire en glissant une main dans mes cheveux.

« Bon, ma chambre est par là. » Tout en m'avançant dans le couloir, Anna derrière moi, je rencontre Gipsy qui fixe l'invitée. C'est vrai, j'avais presque oublié qu'il n'était pas habitué à voir des inconnus débarquer chez lui. « Le chat de ma coloc. Fais-je sans m'arrêter. Il est mignon mais pas très sociable avec les nouvelles têtes. D'ailleurs, il s'est toujours pas habitué à moi. » Enfin devant la porte de ma chambre. « Après toi ! » Pour une fois que je n'ai pas honte d'inviter quelqu'un dans ma chambre, je l'ai rangé hier. Il y a deux jours, elle ressemblait à rien, mais j'ai une excuse, je viens d'arriver ! Il faut un minimum de temps pour trouver une bonne place pour chaque vêtement... Bref. Je m'avance vers mon armoire et fouille un moment dedans. Bingo ! Je trouve un t-shirt qui a quasiment la même couleur que son haut, avant que celui-ci ne soit tâché de sang, bien sûr. « Tiens ! » Je lui donne le t-shirt en souriant. « Je te laisse te changer, je vais nous servir un verre. » Je quitte aussitôt la chambre, manquant d'écraser le chat. A croire qu'il passe son temps à trainer dans le couloir celui-là... Il s'enfuit dans le salon, tandis que je me dirige dans la cuisine, ouvrant directement le frigo. Bon. Dilemme. Bière ? Ou... whisky ? Peut-être qu'elle ne boit pas d'alcool. Eh merde. Je pose les verres sur le comptoir, et retourne dans la chambre pour lui demander. La porte n'étant pas fermer, et ayant déjà complètement oublié la raison de sa présence dans cette pièce, je me plante dans l'encadrement et m'arrête en tombant sur Anna, en soutien-gorge, s'apprêtant à mettre le t-shirt que je lui avais filé. Le pire ? C'est que je reste bien une dizaine de secondes sans réagir. Des baffes ! Je deviens rouge écarlate et quitte la chambre en bafouillant, une main devant les yeux. « Euhh p-pardon ! J'ai rien vue !!! » Et bim, la porte dans la gueule en prime. Ça, c'était pour me punir, sans doutes. « Aïe... » Je me frotte le front en retournant dans la cuisine, toujours aussi rouge de honte. Franchement, si Anna ne me prend pas pour une folle après ça...

J'y crois pas. C'est toujours comme ça, chaque fois qu'une fille me plait, même un peu, j'enchaine les gourdes. Si seulement je pouvais m'enfermer dans une pièce et ne plus ressortir... Gipsy est là, assis tranquillement sur le comptoir de la cuisine, et me regarde avec ses yeux moqueurs. Il sait faire que ça celui-là, se foutre de moi ou me faire peur ! Je deviens parano je crois. « C'est ça, marre toi ! » Lui fais-je en lui tournant le dos, une main toujours sur le front. C'est que j'ai pas fais semblant en me cognant. Il ne manquerait plus que j'ai une bosse. Magnifique, en plein milieu du front. Anna ne tarde pas à me rejoindre, et vu son sourire, elle ne semble pas gênée le moins du monde. Tant mieux pour elle, moi je me cacherai bien dans le placard, ou sous le tapis. « Heum... Une bière. Ou whisky. Ou c'que t'as. J'suis pas chiante tu sais. » Je m'empresse d'ouvrir le frigo pour sortir deux bières, histoire d'éviter son regard. « Et euh. T'as pas à t'excuser 'fin t'es une fille des seins t'en a déjà vu hein. » Ouais sauf que dans mon cas c'est comme si un garçon était entré à ma place dans la chambre. Enfin je me comprends. « Ça va ta tête ? Pas trop mal ? Tu sais tu vas finir par devoir m'embaucher comme infirmière. » J'esquisse un sourire gêné. Ça me dérangerai pas vraiment, au contraire... « C'est pas bête comme idée, j'y avais pas pensé. Mais ça va je sens déjà plus rien. » Faux ! J'ai juste l'impression d'avoir un essaim d'abeilles dans le crâne. « Ça me gêne honnêtement. C'est toujours la même chose. Dès que je rencontre une jol... une personne, je suis maladroite. Soit je les fais rire, soit je les fais fuir... » J'ouvre les bières et en tend une à Anna. Encore une gourde, j'ai manqué de me vendre bêtement. Je fais signe à la brunette de me suivre jusqu'au salon.

« Mon haut te va bien, j'ai eu peur qu'il soit trop petit, vu ma taille... Mais ça va finalement. » Lui fais-je en la regardant, les joues toujours aussi roses en me rappelant la scène dans la chambre. Je m’assois sur le canapé et lui laisse une place. J'observe mon bandage sur la main et bois une gorgée de ma bière, avant de lancer tout naturellement. Sans doutes sans me rendre compte que je parle tout haut, comme une abrutie. Pour changer. « En passant, t'as de jolis seins... » Dix secondes de silence. Je la regarde « ... J'ai parlé à haute voix, c'est ça ? … J'ai pas maté ! … Enfin... Pas volontairement... Enfin... » Il faudrait que je pense, un jour, à apprendre à me taire. « T'as de la chance quoi, t'es bien foutue. » Ou comment se rattraper comme une merde. Je tourne la tête pour ne pas qu'elle voit la tête que je fais, autrement dit, les gros yeux, avant de siffler la moitié de ma bière. J'arrêterai peut-être de raconter des conneries avec un peu d'alcool dans le sang. Ou alors ça sera pire.