«I pulled off your wings. » Oh zut... J'ai encore renversé un pot de peinture. Le carmin glisse sur le parquet anthracite et s'étale comme une marre de sang dans la pièce, venant colorer mes chaussures albâtres et m'arracher un rictus. Pas maintenant ! La pièce était parfaite, mes tableaux étaient tous alignés, le buffet prêt à la dégustation, la décoration était neuve... Et voilà que je renversais un sale pot qui était sur mon chemin ! Je n'aurais pas du m'imaginer cette invasion d'araignées sur le plafond, suivre du regard l'ascension de cette petite bête ébène m'avait coûté une journée de travail. C'est toujours ainsi, je me concentre un laps de temps énorme, et comme une pauvre gamine, je me prend à fabuler, un peu fatiguée, puis ruine toute une journée de dur labeur. Il faudrait que je cesse ce genre de comportement, du moins, le temps de mon travail, un jour, je n'aurais plus d'argent -déjà que je n'en ai pas des masses- et ce sera bien fait pour moi. En plus, mes godasses sont rouges maintenant, déjà qu'elles étaient sales... « Hmpff... » Je me baisse pour remettre le pot droit, les doigts trempés de sang, puis regarde toujours le liquide ronger le sol, on aurait dit que je venais de tuer quelques, bien que la couleur soit trop claire pour avoir une réelle teinte de sang... Enfin. Le sang a peut-être plusieurs nuances ? Certaines maladies ne le changerait pas de couleur ..? Ce serait amusant, de voir des personnes avec du sang bleu, ou vert. Assez insolite, adorable peut-être même ..? On connait bien ma passion pour les choses étranges. Ding Ding... Merde. Le premier visiteur. Je n'ai même pas encore sortit l'éponge. De toute évidence, je ne pourrais pas assurer ce travail seule, je ne pourrais pas gagner beaucoup d'argent ce soir et je doute retrouver des visiteurs avant quelques semaines tant je serais occupée à nettoyer au lieu de leur parler. « Bonjouuur ! » Lançais-je au travers de la pièce, petit rictus au visage en voyant que celui-ci semblait avoir parcouru la moitié du chemin avant de s'être arrêté brusquement sans avoir pénétré les oreilles de l'homme à la moustache. Il fonçait les sourcils, cachant avec ses rides son regard azur qui passait en revue mes différentes toiles sans rien déclarer. L'ambiance était lourde, je retenais mon souffle, je me demandais pourquoi il semblait aussi sérieux, si il avait des problèmes, si c'était parce qu'il était de mauvaise humeur … Avait-il passé une mauvaise journée ? Il serait intéressant de créer une machine qui indiquerait les humeurs des personnes. Un petit collier où un signe apparaitrait, avec un « + » ou un « - » selon les journées et les gens. Au moins, on saurait comment aborder l'inconnu ou notre ami sans avoir à lui poser trop de questions gênantes ou désagréables. Aaaah ! Ce serait tellement utile ! Voilà que je lâchais un soupir, partant dans l'arrière pièce pour saisir une éponge et revenir en galopant. Ding Ding Ding Ding Ding... Et crotte. Il fallait que cette soirée soit intéressante pour les passants, il fallait que les flyers souvent distribués servent enfin à quelque chose et que je foire tout, comme toujours. « B-Bonsoir... » Je dis cela sur un ton quelque peu refermé, je suis stressée, tendue, on me serre l'estomac, ma gorge est sèche, ma salive pâteuse, je me met pleins de peinture sur les doigts et sur les pieds mais j'arrive tout de même à en retirer un peu. Brouhahaha. Ding Dong. On rentre on sort on parle on renverse du champagne on rigole on crie on soupire on râle on drague on mange on met des miettes... Je me sens prête à exploser, ils me rappellent des fourmis et je suis la pauvre reine qui me doit de gérer tout ce grand monde. Je ne me sens plus d'humeur à rêver, je me sens plutôt d'humeur à exploser. Dii-iii-iii-iiiinnnng... Quand je la vis. La sonnerie dura plus longtemps. Quand je la vis, mon coeur avait raté un bond, quand je la vis, le brouhaha n'était plus qu'un simple chuchotement et seul sa crinière de flamme était visible. Le temps avait cessé d'avancer, je croyais que j'étais de nouveau entre rêve et réalité, et pourtant, c'était bien elle. J'oublie que j'ai de la peinture pleins les doigts et en dessous des semelles, mais je retire tout de même mes chaussures pour marcher en chaussettes vers elle. Je crois qu'on me regardait d'un drôle d'air à ce moment-ci. « E-E-E...Elea !? » Je crois que mes mains furent prises de convulsions en entendant son prénom -bien que ce fut moi qui l'avait crié-. « Tu n'étais pas à Rome toi !? » Je semble quelque peu désagréable, froide, irritée, énervée, alors que la voir me rend un peu plus placide et que je me sens apaisée. Ce n'était pas toujours agréable, mais la revoir maintenant me faisait un peu de bien, malheureusement. « E-Euh... Excuses moi ! » Et je tourne les talons, marche d'un geste frénétique jusqu'à la marre de rouge puis reprend mon nettoyage avec plus de virulence, elle m'avait réveillée, mais je l'évitais, comme toujours. Parce que bon, je l'ai aimé, je l'ai embrassé, et je l'apprécie toujours un peu. Malheureusement.