Une matinée agitée, comme c'était souvent le cas pour la jeune Elisea. Contrainte de se lever tôt pour entamer une longue journée de travail, elle prenait néanmoins plaisir à quitter son lit après s'être longuement étirée, pour finalement se faufiler sous la douche. Sa nuisette glissait le long de ses courbes et terminait sa course sur le parquet avant qu'elle referme la porte derrière elle. Sentir l'eau chaude sur sa peau encore toute endormie, sur ses paupières lourdes, la faisait sortir doucement de ces songes, puis redescendre sur la terre ferme. La douche avait le don de la réveiller ! Mais ce qui lui était indispensable demeurait sa grande tasse de café. Certaines personnes avaient besoin de faire un peu d'exercice, d'autres avaient faim et pouvaient avaler n'importe quoi... Pour elle, seule cette dose de caféine semblait être capable de la booster suffisamment pour la faire tenir tout au long de la journée. Une fois habillée, et cela toujours avec soin, maquillée et coiffée, la belle s'emparait de son sac à main et s'éclipsait à toute allure. Et non ! Elle ne prenait pas le risque de faire couler elle-même son café, au risque d'être bien déçue. Une fois qu'on avait goûté à celui du petit café au coin de la rue, prêt de la galerie où elle travaillait, on ne pouvait qu'en devenir accroc. Et c'était son cas...

Même s'il fallait faire la queue et attendre pendant des plombes pour avoir son gobelet, la jeune femme se tenait ici chaque matin. Jupe plissée ou simple jeans, escarpins ou baskets, rien ne pouvait l'empêcher de passer le seuil de cette porte, pas même un rendez-vous avec un acheteur ! Elle pouvait parfois se montrer carrément superstitieuse... « Pas de café » revenait chez elle à « Journée gâchée » ! Elle avait ses petites habitudes et rien ne l'en faisait changer. Impossible pour elle de chambouler son quotidien pourtant si mouvementé. Le matin était sacré chez la miss Alberici et c'était peut-être le fait que sa matinée soit toujours la même, organisée avec précision, qui la rassurait. Elle avait besoin de stabilité dans ses allers et retours permanents, ses nombreux rendez-vous et son boulot prenant. Certes, elle adorait ce dernier, mais il ne fallait pas faire de l'hyper-tension, ou être d'un naturel anxieuse ou stressée... Heureusement pour elle, Elisea en était très loin, même si elle restait très sérieuse dans son travail !

A présent elle était connue et reconnue dans le quartier. Le patron de l'établissement se faisait toujours une joie de l'accueillir avec un ravissant sourire accompagné d'un torrent de compliments. Elle l'en remerciait à chaque fois par un sourire en coin, puis elle commandait son café noisette et lait, sortant toujours l'appoint de son portefeuille. Aujourd'hui encore, la monnaie attendait sagement dans la petite pochette, tandis que la jeune femme avait les yeux rivés sur son portable le temps que son tour arrive. Tout allait à merveille, elle venait de faire la liste de ce qui allait occuper sa journée. Elle était détendue, et ravissante, comme à son habitude. Rien ne pouvait assombrir le magnifique ciel bleu que semblait être son humeur ; jusqu'à ce qu'un épais nuage sans gêne ne se pointe dans le café. Visiblement très sûr de lui, puisque l'homme venait de passer devant toute la clientèle, qui comme Elisea attendait son tour pour être servie. On venait d'interroger la miss, mais cette dernière, qui s'apprêtait à répondre, fut coupée dans son élan. Ouvrant de grands yeux étonnés, elle fixa l'inconnu. Mais c'est qu'il prenait sa commande à sa place ?!
« Non mais je rêve... -laissa-t-elle échapper dans un soupir. Il se prenait pour qui ? Elle le détailla d'un coup d'oeil... Alors maintenant si on avait une gueule d'ange on devenait prioritaire ? - Excusez-moi... La politesse, vous connaissez ? Ou bien ce mot est totalement inconnu à votre vocabulaire ? » Elle croisa ses bras sur sa poitrine et le fixa, bien décidé à ce qu'il s'excuse et fasse demi-tour pour faire la queue comme tout le monde. Elisea était du genre têtue, et ne supportait pas ce genre de comportement. Même elle prenait sur elle pour patienter, alors il était hors de question qu'on lui passe devant de cette manière ! « Vous avez des problèmes de vue ? De compréhension peut-être ? » Oui, elle le prenait pour un demeuré... Commençant à être passablement agacée, elle pointa la file d'attente du doigts. « Les gens civilisés et polis attendent leur tour, comme tout le monde ! »

8h19...

« Merde ! »

Ugo sauta de son lit en sursautant, il avait oublié de de rebrancher son réveil la veille au soir, il faut dire qu'il était rentré très tard de soirée accompagné d'une belle demoiselle, et qu'il n'avait plus comme préoccupation de réarmer sa sonnerie de réveil. Il glissa sous la douche sans plus se préoccuper de la jeune femme encore endormie dans son lit et se glissa sous la douche. En dix minutes, il était douché, habillé, coiffé et ses dents étaient d'une propreté parfaite. Si bien que la dormeuse avait à peine eu le temps de se réveiller et de se rhabiller, prête à profiter de cette belle matinée.

« Ugo ? Tu ne veux pas qu'on reste encore un moment au lit ? On pourrait s'amuser un peu, tu sais, comme hier soir... je suis sûr que tu en meurs d'envie comme moi. »
« C'est très tentant chérie mais j'ai pas le temps là, mon entrainement commence dans une demi-heure et j'ai toujours pas pris mon café du matin, mes pancakes et mon jus d'orange. Sans un bon p'tit dej, je peux pas correctement m'entraîner. »
« Oh et bien on a qu'à se faire un petit déjeuner tous les deux et tu fileras après, j'adore faire des pancakes ».

Ugo leva les yeux au ciel, ça ne pouvait pas se passer sans accroc, bien évidemment. Surtout le jour où il était pressé et où il n'était vraiment pas d'humeur à être diplomate... en tous cas pas avant le petit déjeuner. Il avait besoin le matin d'une bonne dose de caféine, de vitamines et de sucre : rien de plus efficace qu'un café, un jus de fruit frais et une viennoiserie des pancakes. Sa patience était donc pour le coup grandement entamée. Surtout qu'il n'avait pas le temps de se faire un petit dej maison et qu'il devait sortir en vitesse le prendre dehors.

« Écoute Clarissa... »
« Cécilia »
« ...Cécilia, c'était bien agréable la nuit dernière mais ça s'arrête là et je dois filer alors bonne continuation. »
« Tu te fiches de moi ! T'essaie de te débarrasser de moi là ?! Alors comme ça je suis juste un coup d'un soir c'est ça! »
« Oui, enfin non... mais là je n'ai pas le temps de t'expliquer, c'est super compliqué alors je te rappelles si tu veux et on se voit un de ces quatre et je te dis tous ça ok ? » Il la prit par le bras et la conduisit vers la sortie.
«  Mais... t'as pas mon numéro ! »
« Bien sûr que je l'ai, je crois que tu avais un peu bu à ce moment là mais tu me l'as donné, tu te souviens, quand je t'ai dis que tu avais de très jolie mains... » La jeune femme plissa les yeux pour réfléchir mais Ugo ne lui laissa pas le temps de se rappeler de ce qui ne s'était de toute façon pas produit. Il récupéra son sac de sport au passage. Il la fit sortir en même temps que lui, ferma la porte à clefs et la quitta sur le pas de la porte sur un baiser furtif avant qu'elle n'ai pu comprendre quoi que ce soit à ce qui lui arrivait. « Je t'appelles bientôt ».

Il sorti d'un pas rapide, courant presque pour ne pas lui laisser le temps de réagir, il ne la rappellerait pas. Il s'engouffra dans sa voiture et démarra en trombe. Quelques minutes plus tard, il se garait devant un café, entra à l'intérieur et poussa un soupir en voyant la longueur de la queue qui se profilait devant le lui. Il jeta un coup d'œil à sa montre, il lui restait un peu plus de vingt minutes avant le début de l'entraînement, pas le temps de faire la queue donc, et il était hors de question de partir s'entraîner trois heures d'affilé sans rien dans le ventre. Tant pis, il irait au culot, ça marchait parfois, surtout avec les dames et les demoiselles. Il joua des coudes pour parvenir au devant, en s'excusant, personne ne réagissait, parfait ! Sauf que non, au dernier moment quelqu'un réagit. Ugo leva les yeux au ciel, c'était trop beau. Sans daigner se retourner il laissa la jeune femme (a en juger par sa voix) le sermonner et l'ignora complètement. Sauf qu'au lieu de se lasser, elle se mit à le traiter comme à un demeuré, ce qu'Ugo ne supportait tout simplement pas. Il avait tellement souffert de passer pour le débile de la famille qu'il partait au quart de tour à chaque fois.

« Et les gens civilisés ne parlent pas de cette façon aux gens alors calmez vous un... » Il s'était retourné avant la fin de sa phrase pour voir l'emme*deuse qui s'était adressé à lui et ses yeux se posèrent sur une très belle jeune femme. Les traits fins, l'attitude volontaire, un visage d'une beauté peu commune, et à ce qu'il pouvait en juger, un corps svelte et prometteur. L'expression de son visage changea totalement, l'irritation laissa place à un sourire charmeur et à des yeux doux et séducteurs, pleins d'assurance. Le prédateur avait trouvé une nouvelle proie et il comptait utiliser tous ses atouts pour amadouer la belle.
« Mais je peux me faire pardonner en vous offrant un café si vous voulez... »

Elisea n'était pas ce genre de filles vexantes et arrogantes. Elle avait son petit caractère, c'était indéniable, mais ça n'était pas dans ses habitudes de prendre les gens pour des demeurés. Là, pour le coup, elle n'y allait pas de main morte ! Tellement agacée par ce culot et ce manque de respect et bonnes manières, la jeune femme en devenait elle-même impolie. Ce qu'elle s'en fichait en réalité ! Comment rester calme et bienveillante envers un type qui vous passe devant sans la moindre gêne, ni même un brin d'excuse ? Impossible pour elle de se contenir, elle lui parlait donc comme s'il s'agissait d'un débile profond. C'était sa façon de se dire que dans ce cas précis, il avait une excuse valable. N'ayant pas tellement conscience des marques de politesses, un débile mental aurait facilement pu obtenir son pardon. Quoique, elle avait déjà croisé des attardés mentaux plus polis que ce type ! En s'adressant à lui ainsi, elle avait naïvement espérée qu'il ferait demi-tour ou du moins lui présenterait des excuses, même s'il n'en pensait pas un seul mot... Elle n'eut le droit à ni l'un, ni l'autre. Oh non ! Il se contenta de répliquer, retournant à sa manière la situation. Comment ?! Il se foutait d'elle ou bien il osait dire qu'elle faisait preuve d'un manque cruel de civisme ?
« C'est l'hôpital qui se fout de la gueule de la charité... » - lança-t-elle d'une voix plus basse, pour elle-même.

Il termina par se retourner, lui présentant autre chose que son dos. Et tous les airs angéliques de la planète n'allait pas la calmer. Au contraire, l'apparition soudaine d'un sourire sur le visage du jeune homme la mettait doublement en pétard ! Elle semblait avoir cerné le personnage en moins de deux secondes : le tombeur de ces petites minettes croyant encore au prince charmant, au sourire digne d'une publicité pour un dentifrice, et charme sans égal... Pour lui, c'était mal barré avec l'once de politesse dont il pouvait faire preuve. La galanterie n'était pas son fort, puisque ce goujat passait devant elle s'en lui porter la moindre attention, comme si elle l'avait simplement attendu devant le comptoir pour lui garder la place ! Elle avait la tête d'une véritable pigeonne ? Non. Elle ne le supportait pas et cela se lisait sur les traits fins de son visage. Il lui proposa de lui offrir un café pour se faire pardonner, ce qui la conforta dans l'idée qu'elle se faisait de lui. Trop prévisible le jeune homme... C'en était presque désolant pour lui ! Même Luigi, le petit papy du coin de la rue, faisait preuve de plus d'originalité lorsqu'il faisait la cours à une dame !
« Vous pouvez aussi vous décalez et me laisser prendre mon café tranquillement, et toute seule ! » Elle ne pu s'empêcher d'associer le geste à la parole, et le bouscula d'une simple petit coup d'épaule pour qu'il se décale, sous le regard amusé du propriétaire. Elisea et son caractère bien trempé ! Elle n'était pas prête de changer !

« Comme d'habitude principessa ? » Elle hocha la tête positivement en guise de réponse et sortit sa monnaie. La matinée commençait bien, il fallait qu'elle tombe sur un abruti en allant chercher son café... Super ! Patientant quelques instants, le temps qu'on lui serve son gobelet, elle régla sa petite note et rangea son portefeuille. Il fallait qu'elle se calme, car ce petit incident plus sa dose de caféine n'allaient pas l'aider à se montrer des plus patiente avec la clientèle de la galerie.
« Et voilà, Bellisima !
- Merci beaucoup... »
Gobelet en main, elle se retourna rapidement, et manqua de rentrer dans l'inconnu responsable de son agacement matinal. Par réflexe elle vérifia l'état de sa tenue, de peur de s'être tâchée avec le café, bien qu'elle l'aurait probablement sentit si cela avait été le cas tant il était chaud... Puis elle fronça légèrement les sourcils et le fixa. Il n'avait pas effacé son sourire en coin, qu'elle rêvait à présent de lui faire ravaler.
« Qu'est-ce que vous faites encore ici ? Pourtant vous étiez bien pressé pour doubler tout le monde ! » Si en plus de ça il n'avait rien à faire de sa matinée, elle allait avoir envie de l'étrangler.

C'est étrange comme on peut vraiment trouver une femme canon facilement de nos jours. Il suffit d'entrer dans un café et hop, on en trouve trois d'un coup. Sauf que la jeune femme qui se trouvait devant lui dépassait de loin les beautés qui se trouvaient dans le café. Hé oui, à force, Ugo avait pris l'habitude de repérer très rapidement ses proies potentielles : les plus belle femmes. Oui, la beauté était son seul critère, pour ce qu'il avait l'intention de faire avec elle, ça suffisait amplement. Sauf que la demoiselle en question semblait avoir décidé de faire de la résistance. Ugo ne se départi pas pour autant de son sourire en coin, la partie n'allait être que plus passionnante. Elle le bouscula d'un coup d'épaule, enfin, « bousculer » était un grand mot car pour faire vaciller un grand jeune homme comme Ugo il fallait faire plus d'un mètre soixante dix. Elle commanda donc son café sous l'oeil amusé d'Ugo qui l'observait par derrière... jolie fesses soit dit en passant. Mais c'est que la jeune femme cachait un sacré caractère ! Enfin un véritable enjeu ! Il avait toute les filles beaucoup trop facilement, peut être que celle-ci représenterait un véritable défi, rien de plus excitant et de satisfaisant pour l'amour propre que de mettre dans son lit une jeune femme farouche qui se croyait capable de lui résister. Apparemment, Ugo n'était pas le seul à trouver la jeune femme très joli puisque même le tenancier du café l'appela « Belissima », ce qui ne fit qu'accentuer le sourire du jeune homme.
Au bout de quelques secondes, café en main et note réglée, la jeune femme se retourna et manqua de lui rentrer dedans. Surpris, Ugo avait eu tout juste le temps de relever les yeux, un sourire charmeur accroché au visage. Mais c'est qu'en plus elle avait décidé de le titiller dis donc ! Elle aurait aussi bien pu sortir sans rien dire et ne plus jamais le revoir, mais non, elle avait décidé de lui envoyer une petite pique. Tant pis pour elle, ce qui allait se produire par la suite serait la faute du fait qu'elle n'avait pas pu l'ignorer. Sans se pousser pour la laisser passer, Ugo fit encore d'avantage barrage de son corp entre la jeune femme et en profita même pour commander son café.

« Un café noir sans sucre s'il vous plaît. »
L'homme lui jeta un regard suspicieux mais alla chercher un gobelet et faire le café du jeune homme sans broncher. Ugo en profita donc pour reporter son attention sur la jeune femme qui se trouvait face à lui.
« Non, j'ai un entraînement qui commence bientôt mais j'ai encore quelques minutes devant moi Aller, ce serait idiot de se quitter fâchés on peut discuter un peu, non ? Juste cinq minutes, vous ne le regretterez pas. »

Elle essaya de se décaler pour passer à côté de lui et sortir du café mais Ugo se décala aussitôt, l'empêchant de passer. Elle reproduisit la tentative deux fois, rien à faire, Ugo lui bloquait le passage. C'est à ce moment là que le tenancier apporta le café d'Ugo. Et ce dernier, au lieu de contourner la jeune femme au risque de la laisser s'échapper, il avança droit sur elle pour l'obliger à reculer jusqu'au comptoir, il était maintenant très proches l'un de l'autre, à la limité de se toucher. Il tendit le bras près d'elle, comme s'il allait l'enlacer et récupéra son café, déposant au passage, l'argent qu'il devait. Mais pas une seconde il ne la toucha, il était peut être parfois insistant mais jamais il ne toucherait une femme qu'il connaissait à peine sans son consentement. Il avait des interdits qu'il ne franchissait pas, même un simple toucher sur l'épaule d'une femme qui ne le voulait pas, ce serait violer son intimité. Il pouvait être le pire des goujat le lendemain d'une nuit torride mais violer son intimité ou faire quelque chose contre son consentement, il en était hors de question, il avait tout de même des principes. Il se pencha simplement vers elle, pour insister un peu plus.

« Comprenez-moi, je ne peux pas laisser filer une femme comme-vous sans même connaître son prénom. »

Il était encore là, avec son sourire exaspérant et ses belles phrases toutes faites... Se moquant éperdument du reste de la clientèle qui attendait derrière eux, il commanda son café. Et il eu de la chance de tomber sur un serveur sympa ! Sans quoi, il aurait été gentiment raccompagné jusqu'à la porte, ou tout du moins à la fin de la file d'attente. Pendant qu'on lui préparait son café, il se risqua à retenir la jeune femme. Pouvait-elle lui rire au nez ? L'envie ne manquait pas ! Ne pas regretter ? Elle avait une cascade de regrets qui l'assommaient à ce moment précis. Elle regrettait de s'être levée ce matin, d'avoir eu une véritable addiction aux boissons de cet établissement, d'être venue, d'avoir ouvert sa bouche pour râler... Bref ! La liste pouvait être encore bien longue ! Elisea le fixa, arquant les sourcils, un peu étonnée.
« Vous n'êtes pas sérieux là ? » Elle n'attendit même pas la réponse, et tenta de prendre la direction de la sortie. Au moins cela avait le mérite d'être clair sur ses intentions. Elle ne voulait pas prendre son café en sa compagnie, elle refusait de bavarder 5 minutes avec lui. Elle voulait partir d'ici, loin de ses airs de charmeurs ! C'était pourtant peine perdue ! Lorsqu'elle se décala, il en fit de même et s'interposa. Il lui barrait le passage, bien décidé à ce qu'elle ne prenne pas la fuite. Elle recommença de l'autre côté, sans succès. Mais c'est qu'il cherchait à lui faire véritablement péter un câble ! Elle lui lança un regard noir, qu'elle espérait menaçant, et soupira avec exagération. C'était une vraie tête à claques !

Il lui rappelait un type avec qui elle avait passé la nuit, il devait y avoir quelques mois de ça. Charmant, le jeune homme lui avait offert plusieurs verres au comptoir d'une boite de nuit, ils avaient très peu discuté, préférant de loin se tourner autour. Au final, il avait terminé vautré dans les draps couleurs rouge carmin de la jeune femme. Au petit matin, il avait fait le malin, affichant ce sourire en coin, comme cet inconnu. Tout en picorant la peau dénudée d'Elisea du bout des lèvres, il s'était cru maître de la situation. Elle avait très vite prouvé le contraire, en lui montrant que ça n'était pas parce qu'il la dominait de sa taille qu'elle se laissait faire. Elle l'avait viré de chez elle, le raccompagnant jusqu'à la porte. « Je peux au moins savoir comment tu t'appelles, non ? » Elle avait fait mine d'hésiter et tout en lui rendant ses fringues sur le pas de la porte, avait répliqué : « Non, inutile ! » Puis elle avait claqué la porte. Une garce ? Non, une célibataire qui s'assumait parfaitement et qui ne souhaitait pas faire entrer un boulet dans sa vie. Elle savait juste ce qu'elle voulait la petite Alberici !
Il la sortit de ses pensées en se rapprochant dangereusement d'elle, sans pour autant la toucher. Elle ne broncha pas, et recula sagement jusqu'au comptoir. Pourquoi le faisait-elle d'ailleurs ?! Elle leva les yeux au ciel lorsqu'il tendit son bras dans sa direction, et le laissa récupérer son café. Ce qu'elle avait envie de lui donner un coup pour que le contenu se renverse ! Mais elle n'en fit rien, ne voulant pas finir ébouillantée par un café noir, sans sucre en plus de ça ! Elle toussota légèrement, voulant vraiment partir ! Le fixant avec un air presque sévère, elle bu une petite gorgée de son propre gobelet. Elle n'allait pas attendre très longtemps, et au final allait perdre patience.

C'est alors qu'il lui demanda -lui aussi, héhé- comment elle s'appelait... Il ne pouvait pas la laisser partir soit disant... Il désirait connaître son nom. Elle fut à deux doigts de répondre qu'elle était la fée clochette, fruit de son imagination, et qu'il allait rapidement l'oublier. Mais elle ravala sa touche d'originalité pour conserver un brin de crédibilité.
« Mon prénom ? Pas besoin de le connaître, il ne vous servira à rien puisqu'on ne se reverra pas ! »
Elle esquissa un sourire forcé, et finit par aller à l'encontre de ses principes. Posant sa main sur le torse du jeune homme, elle le fit à son tour reculer, et le contourna. Contente d'elle, et dorénavant peu attentive, elle allait pousser la porte battante du café quand cette dernière lui arriva droit dessus à cause d'un client venant à contre sens. Surprise elle en renversa son gobelet.
« Bon sang, j'en ai marre ! » Son chemisier ? Il était foutu. Si l'inconnu osait faire un commentaire ? Il était foutu.

« Mon prénom ? Pas besoin de le connaître, il ne vous servira à rien puisqu'on ne se reverra pas ! »

Outch, bien envoyé. Mais Ugo ne broncha pas, on aurait dit que tout glissait sur lui sans jamais le toucher, qu'il prenait les choses avec trop de distance pour être blessé par quoi que ce soit. La jeune femme savait se défendre, elle avait peut être un caractère qui ne serait pas facile à dompter mais il aimait la répartie quelle avait. Le jeune homme sourit, elle avait piqué sa curiosité en faisant preuve d'un aplomb aussi impressionnant. Le problème, c'est qu'elle ne le connaissait pas assez pour savoir comment il fonctionnait. Ugo détestait qu'une femme lui dise non, et plus elle le repousserait, plus il s'entêterait à faire d'elle sa prochaine conquête. Lorsqu'il s'était lancé un défi, il était quasi impossible d'arrêter le jeune homme, sauf si cela franchissait les limites de la morale : jamais il ne harcelerait quiconque pendant des semaines pour obtenir quelque chose. Soit la personne finissait par se laisser séduire d'elle même, soi (et ceci n'était plus arrivé depuis longtemps), il laissait tomber avant que ça ne dérape. Depuis deux ans maintenant aucune femme ne lui avait résisté, aucune ne lui avait dit un NON définitif, et il était hors de question que celle-ci brise la chaîne et stoppe son palmarès. Aussi farouche qu'elle soit, elle finira par lui céder, sinon il ne s'appelait plus Ugo Rafael Seghezzi.

Mais la jeune femme ne semblait pas prête à la faciliter la tâche, elle posa la main sur son torse pour le forcer à reculer. Quelque peu amadoué, Ugo n'opposa fait de résistance et fit quelques pas en arrière. Mais elle le contourna bien vite, sans doute satisfaite d'avoir pu réussir à lui échapper. Ugo avala une gorgée de café, se retourna pour regarder s'éloigner celle dont il ne connaissait toujours pas le nom, prêt à faire une nouvelle tentative mais au moment de sortir, la porte s'ouvrit devant elle qui n'avait pas anticipée l'entrée impromptue d'un client. Résultats des courses, la jeune femme se retrouva avec son café noisette renversé sur son joli chemisier blanc quelques secondes auparavant immaculé. Ugo ne pu retenir un éclat de rire qu'il tenta néanmoins de dissimuler en plaçant son poing devant sa bouche et en baissant la tête. Si elle n'était pas déjà en colère, elle allait être furieuse pour le coup, d'ailleurs elle lachâ quelques mots de colère, visiblement exaspérée par la situation. Pourtant, et même s'il s'était bien rendu compte qu'en toute logique, il aurait dû se taire et faire profil bas, Ugo ne pu s'empêcher de lui balancer une petite pique, en réponse à celle qu'elle lui avait faite quelques secondes plus tôt lorsqu'elle lui avait dit qu'il n'aurait pas besoin de connaître son prénom puisqu'ils ne se reverraient jamais. Et oui, il ne fallait pas trop le chercher non plus le Ugo, il faisait comme si de rien n'était mais parfois ce qu'on disait de lui l'atteignait vraiment, enfin, atteignait vraiment sa fierté.

« Vous ne devriez pas vous énerver ainsi, le beige vous va très bien. »

Il ne pu s'empêcher d'afficher un sourire moquer et satisfait, croisa les bras sur sa poitrine d'un air désinvolte. Il savait qu'il était parfaitement insupportable et que sa réaction ne ferait qu'accentuer la colère de la jeune femme, mais il n'avait pas pu se retenir de faire un peu d'esprit. Quelques personnes dans la file d'attente rirent d'ailleurs de la plaisanterie du jeune homme mais ça ne semblait pas être drôle du tout pour la jeune femme au chemisier beige. Il fallait vraiment qu'elle se décontracte, ce n'était pas si grave. La petite moquerie d'Ugo n'était pas bien méchante, mais il en avait assez de ces gens qui se plaignaient de tout et ne faisaient jamais risette, c'était ridicule. A vrai dire, il était conscient d'avoir déjà pas mal entamé le capital « patience » de la jeune femme, mais c'était Ugo, il ne ratait jamais une occasion de faire de l'esprit et de rappeler aux gens à sa manière qu'un peu d'humour, de recul sur les choses et d'auto-dérision ne pouvaient pas faire de mal.

Le beige lui allait très bien ? Le beige lui allait très bien ?! Il voulait qu'elle lui arrache les yeux où quoi ?! Il ne devait pas tenir à la vie... Oh non... Il devait avoir des tendances suicidaires pour la provoquer ainsi, surtout après avoir joué avec ses nerfs. Elisea bouillonnait littéralement de l'intérieur, et sentait que dans très peu de temps elle allait exploser. Il était préférable de se planquer pour les gens qui l'entourait tant elle était sur les nerfs. Prête à égorger la première personne qui oserait la pointer du doigts, elle n'avait pas du tout envie de rire. La jeune femme était d'ordinaire plutôt patiente, douce, calme... Quoique ! La situation influençais beaucoup ses réactions. Et ce matin, Roberto, un petit papy, habitué du café et en perpétuelle quête d'un sentiment de jeunesse éternelle, n'aurait eu aucun mal à dire qu'elle était, je cite : « aussi tendue qu'un striiing » ! Il y avait de quoi, non ? Sachant par avance que sa journée serait chargée et difficile, elle appréhendait son déroulement et le retard ne devait pas y figurer. Tentant de gérer au mieux les imprévus, elle ne supportait pas les dérapages de ce genre. Elle avait manqué de s'ébouillanter, et avait foutu en l'air un magnifique chemisier blanc. Tout neuf en plus... Ça n'était pas sa journée. Elle allait sans doute être en retard, et ce petit c*n devait s'en réjouir ! D'ailleurs, elle avait même l'impression de le lire sur son visage. Il affichait un sourire amusé. Clairement : il se foutait royalement d'elle !

Elle avait envie de l'étrangler, lui et ses réflexions, certes amusantes, mais seulement lorsqu'on n'était pas concerné. Fronçant légèrement les sourcils, elle lui lança un regard noir et s'approcha d'une table. Elisea sentait les regards curieux posés sur elle, ce qui avait le don de l'agacer davantage. Attirer l'attention ne lui plaisait guère et elle s'efforçait toujours de passer inaperçue, menant son petit train de vie sans embêter personne. Là, elle était une véritable bête de foire ; la nana qui s'était pris une porte. Ne pouvant dissimuler son énervement, elle récupéra des serviettes en papier sur le petit distributeur de cette table vide, et chercha à limiter les dégâts, ou tout du moins d'éponger ce café. Sans grand succès, mais au moins elle pouvait se dire qu'elle avait fait de son mieux. L'homme qui l'avait bousculé s'approcha avec maladresse pour s'excuser mais il fut très mal reçu. « C'est bon vous ! Je n'ai pas besoin d'aide ! » Il voulait peut-être faire mine de l'essuyer pour la peloter aussi ?! Elle pouvait bien passer pour une fille hautaine et mal polie, désagréable à souhait, elle s'en fichait complètement. Ce matin, non, elle n'avait pas envie d'être aimable. Surtout pas après ce fâcheux accident.

« Et qu'est-ce que vous regardez comme ça ?! » -lança-t-elle, d'un ton agressif à l'inconnu. Il n'avait pas bougé, croisant les bras sur son torse, visiblement satisfait. Ah ! Cet air désinvolte... Ce qu'il pouvait l'énerver ! Soupirant doucement, elle laissa retomber la pression quelque seconde, relâchant les serviettes et s'asseyant sur une chaise. S'appuyant sur ses coudes, elle prit son visage entre ses mains et ferma les yeux un petit moment. Il fallait vraiment qu'elle se calme.
« Ça va allez Elisea ? » demanda le serveur, derrière son comptoir. Elle releva la tête, et lui fit signe que oui. Après tout, que pouvait-elle répondre de plus ? Elle n'avait pas finit brûlée au second degré à cause d'un café trop chaud et une bonne dose de maladresse. Il y avait pire que ça dans la vie. Pire qu'une mauvaise impression auprès de la clientèle. Car d'une façon ou d'une autre, ça serait le cas. Soit par cette gigantesque tâche ; soit par un quelconque retard pour avoir voulu se changer.
« C'est bon, circulez... Il n'y a rien à voir ! » Il y a des jours avec et des jours sans... On n'avait pas de mal à deviner ce qu'il en était pour elle aujourd'hui. ^^

Avoir un joli visage, c'était un don, alors pourquoi ne pas s'en servir et priver le monde d'un sourire ? Ugo n'avait jamais comprit ces femmes pendue à leur téléphone, coincée dans leur tailleur inconfortable, qui passaient leur journée à travailler en tirant la tronche. Comme si le fait de rester de glace, impassible, était un gage d'efficacité et de sérieux dans le boulot. On pouvait parfaitement travailler avec le sourire avec sérieux et application. Enfin, ce n'était que l'avis d'un jeune homme qui n'avait jamais mis les pieds dans un bureau et encore moins en costume-cravate. A ce qu'il voyait, la jeune femme en face de lui ressemblait à toutes ces femmes trop sérieuses, qui avaient réussis dans la vie et désiraient montrer à tous ces messieurs qu'elles étaient indépendantes, contrôlaient tout et n'avaient pas besoin d'hommes dans leur vie. Elle avait cette façon de le regarder des femmes trop sûres d'elle qui pensent avoir ce qu'elle veulent et regardent de haut tous ceux qui semblent s'intéresser à elles du genre « toi je peux t'avoir quand je veux mais toi tu ne m'auras jamais si je ne le veux pas ». En tous cas, il manquait tout de même un homme à celle là pour la faire sourire un peu...
Ravi de la petite leçon que venait de donner la vie à la jeune inconnue à travers le gobelet de café renversé sur son chemisier, le jeune homme ne pu s'empêcher d'afficher un sourire en coin en croisant les bras sur sa poitrine. Il ajouta même que le beige lui allait bien histoire d'en rajouter une couche. Oui bon, ce n'était certainement pas le moment mais il n'avait pas pu s'en empêcher, il agissait souvent sur une impulsion et de temps en temps, ça lui jouait des tours. Il resta donc immobile à l'observer se débrouiller tant bien que mal pour essuyer le gros du café sur son chemisier avec des serviettes en papiers. Tout d'abord, il fût amusé, il fallait dire qu'après la façon dont-elle l'avait traité, l'ignorant complètement ou au mieux lui jetant un regard dédaigneux, c'était plutôt jouissif de l'observer se démener pour essuyer une tâche qui n'était pas prête de s'en aller. Elle envoya même balader l'homme qui l'avait bousculé et qui , tout penaud était venu s'excuser auprès d'elle. Si elle voulait passer inaperçu c'était loupé, tous les clients du café l'observaient, elle faisait le spectacle. Le sourire d'Ugo s'élargit d'avantage, décidément, elle avait du caractère cette jeune femme, ça pouvait en rebuter plus d'un, mais lui ça l'attirait plus qu'autre chose. Attention Ugo, cette fille là risque de t'en faire voir des vertes et des pas mûres.

Visiblement, la jeune femme était exténuée et émotionellement éprouvée puisqu'elle éprouva le besoin de s'asseoir et de souffler un moment, plaça sa tête dans ses mains. L'attitude d'Ugo changea immédiatement. Autant il aimait faire redescendre de leur piédestal celles qui se croyaient trop importantes pour lui adresser un sourire, autant lorsque c'était lui qui était en position de force et qu'une jeune femme était en position vulnérable, il éprouvait le besoin de voler à leur secours à la manière d'un prince charmant. Était-ce par simple gentillesse et compassion ou par stratégie amoureuse ? Il n'en avait aucune idée, son personnage de dragueur s'était tellement encré en lui que parfois il avait du mal à le discerner de l'enfant gentil et doux qu'il avait été qui devait encore sommeiller quelque part en lui. Elle fit signe au serveur qu'elle allait bien mais Ugo n'était pas dupe.
Il se retourna et commanda un nouveau café noisette mais cette fois décaféiné qu'il paya rapidement avant de se diriger vers la jeune femme assise à une table. Il déposa le café devant elle pour qu'elle lève enfin les yeux et vint s'asseoir face à elle.

« Café noisette, comme celui que vous aviez commandé, sauf que celui-ci est décaféiné, vous me semblez être assez énervée comme ça. »

Il jeta un coup d'œil rapide à sa montre, il avait encore quelques minutes devant lui. Puis il reporta son attention sur le chemisier de la jeune femme.

« Un peu de détachant, vous frottez énergiquement jusqu'à enlever la plus grande partie de la tache, vous rincez, un tour en machine à 30° et votre chemisier sera comme neuf. Croyez-moi, les tâches de café sur les chemises, ça me connaît. »

Oui, Elisea était du genre à se prendre un peu trop au sérieux par moment. Et pour le coup, ses principes lui avaient joué de sacrés tours. Elle s'était emballée pour pas grand chose, et cela avait fini par se retourner contre elle. Assise à une table, se battant tant bien que mal avec son chemisier, armée de serviettes en papier, elle s'en rendait compte que maintenant. Forcément, quand il était trop tard ! Et tout le monde la regardait... Elle ne s'en sentait pas mal à l'aise, mais simplement agacée. Cela paraissait sur son visage et dans son attitude. Elisea s'en montrait bien agressive, jusqu'à rembarrer la personne qui l'avait malencontreusement bousculé. Ah ça n'était pas le moment de lui adresser la parole, même s'il ne s'agissait que de simples excuses. Surtout pas ! Elle avait les nerfs à fleur de peau et avait grand besoin de souffler un coup, seule, dans un semblant de silence. Elle avait besoin de sa petit bulle, dans laquelle personne n'était autorisé à entrer. La jeune femme se coupait quelque peu du monde, ayant besoin de ce petit break, sans lequel elle allait probablement péter un câble d'ici la fin de sa matinée, avant même d'avoir quitter le café. La journée venait de commencer, qu'elle avait déjà envie de rentrer chez elle pour engloutir un pot entier de glace avant de se blottir sous sa couette et de s'endormir comme une petite fille, les genoux ramenés vers sa poitrine, en position du fœtus... Oui, en général, lorsque la journée avait été pourrie, elle s'achevait de cette façon. La glace pouvait être remplacée par d'un simple et unique verre de tequila... Mais le schéma restait le même. Ce soir elle n'avait aucune idée de ce qu'il en serait, car pour l'instant elle s'efforçait de faire le vide dans son esprit et de faire ainsi retomber la pression.

Elle était tendue, si bien que le moindre idiot qui aurait voulu délicatement poser sa main sur son épaule, d'un geste rassurant, se serait probablement pris une gifle. Le visage désormais caché dans ses fines mains, elle soupira doucement. Il fallait se ressaisir. Après tout, ça n'était pas la fin du monde. Ce genre de petit accident arrivait à plus d'une personne chaque jour, elle allait s'en remettre ! Rassurant le serveur, elle lui fit signe que ça allait. Elle avait envie de tuer quelqu'un pour faire retomber la pression, mais tout allait bien dans le meilleur des mondes ! M'ouais...
Jusqu'à ce que l'on dépose devant elle un gobelet de café. Cela ne pu qu'attirer et retenir son attention, lui faisant relever la tête. Elle découvrit alors l'inconnu, qui se tenait devant sa table, prêt à s'installer en face d'elle. D'ailleurs, il ne perdit pas de temps pour le faire, l'informant alors qu'il lui avait prit la même chose, mais décaféiné car elle était suffisamment à cran. A bon ? Lui aussi l'avait remarqué ? Tout le café la regardait de travers, il ne devait pas être le seul... Elisea finit par se radoucir, esquissant un très faible sourire, sans pour autant toucher au dit café.
« Merci, mais ça n'était pas la peine, je n'en ai plus du tout envie... »
Ca n'arrêta pas le jeune homme en si bon chemin. Voilà qu'il lui donnait à présent des conseils de lavage pour rattraper cette énorme boulette, la tâche du siècle. Elle le laissa parler, achevant alors ses consignes, pour finalement baisser la tête, jeter un coup d'oeil au désastre et soupirer une nouvelle fois. « Il finira au pressing, ou bien à la poubelle... » Puis, reposant son regard sur lui, le détaillant l'espace de quelques secondes, elle finit par froncer légèrement les sourcils et l'interrogea : « Pourquoi vous changez soudainement de comportement ? Il y a deux minutes, vous étiez entrain de vous moquez de moi... » Méfiante, elle le demeurait. C'était un trait de son caractère bien trempé. Elle restait sur ses gardes et semblait analyser tout ce qui l'entourait. Ce renversement de situation n'était pas normal et naturel selon elle, du coup, elle ne pouvait pas retenir les questions. Le soit disant type pressé, au point de doubler tout le monde, prenait le temps de s'asseoir à cette table et à lui donner des astuces pour rattraper cette horrible tâche de café ? Elle pouvait être naïve et parfois idiote, mais pas à ce point... Alors, pourquoi restait-il là ?

C'était fou ça ! Quant on se moquait de ces dames elles piquaient une crise mais si on devenait attentionné envers elles elles devenaient suspicieuses, comme si ce n'était pas dans l'ordre naturel des choses. Ugo avait beau séduire les femmes, ça ne voulait pas dire qu'il les comprenait, elles étaient si... tordues. La jeune femme en face de lui semblait surprise de son changement de comportement, il est vrai qu'à bien y penser, il y avait de quoi. Mais que voulez-vous, Ugo ne supportait pas qu'une femme l'ignore mais dès lors qu'elle était vulnérable, son côté chevaleresque remontait à la surface. Surtout si la demoiselle en question s'avérait être une très jolie femme. Il la détailla quelques secondes en souriant tandis qu'elle regardait d'un air dépité son chemisier qui allait finir à la poubelle. Si il n'était pas venu la voir pour s'inquiéter de savoir comment elle allait, il était sûr qu'un ou plusieurs autres auraient accourus pour lui « porter secours ». Il porta le gobelet à ses lèvres pour en boire une gorgée sans cesser de la regarder. Cette fille là ne semblait prête à céder à n'importe qui sauf si c'était elle qui l'avait décidé et il était très mal parti. Elle ne toucha pas à son café, apparemment elle n'en avait plus envie, dommage, il venait de dépenser trois dollars pour ce jus de chaussette « aromatisé à la noisette ». C'était bien ça les femmes, on se donnait la peine de leur offrir exactement le même café que celui qu'elles aimaient (la caféine en moins quand même), et puis non, ces dames « n'en avaient plus envie ».
Sans plus le moindre gêne, elle lui avait demandé pourquoi est-ce qu'il avait changé de comportement à ce point avec elle. Il avait l'impression qu'elle ne désirait pas vraiment sa présence. Sa question sonnait comme un « Que faites-vous encore ici » et il devait avouer qu'il trouvait ça plutôt irritant. Mais il était hors de question de faire preuve d'une once d'énervement, paraître détaché et jovial en toutes circonstances, c'était son crédo. Il ne répondit donc pas tout de suite, il esquissa un nouveau sourire en baissant les yeux, comme pour réfléchir et les releva vers elle quelques secondes plus tard.

« Et bien disons que j'aime m'amuser de ce que je vois. Ce n'était pas contre vous personnellement, mais il faut bien avouer que vous êtes très drôle quand vous vous énervez. Ne le prenez pas mal, mais vous avez un sacré caractère. »

Ce n'était pas méchant, c'était juste ce qu'il avait perçu d'elle, mais vu la façon dont elle s'était mise en colère contre le dernier inconnu qu'elle avait croisé parce qu'il lui avait renversé son son café dessus sans le faire exprès, mieux valait s'y prendre avec des pincettes. Elle avait déjà été éprouvée émotionnellement par cette épisode, en rajouter une couche de façon insistante, mesquine ou ne serait-ce que peu subtile aurait été la goutte d'eau susceptible de faire déborder le vase. Et un scandale aurait pu le mettre en retard.
Il jeta un nouveau coup d'œil à sa montre, cette fois, il devait vraiment y aller ou il serait en retard à l'entraînement. Après tout, tout cela s'était déroulé en deux minutes tout au plus et il n'était pas à deux minutes près. Il se leva, prit son gobelet et son sac de sport, et à regret (oui parce que mine de rien il l'avait trouvé très jolie et très drôle malgré elle), il lui tendit la main pour lui dire au revoir.

« Je suis désolé mais je dois filer où je vais être vraiment en retard, ça a été un plaisir de vous rencontrer mademoiselle dont-je-ne-connais-pas-le-prénom. »

C'était bien entendu une invitation à lui donner son prénom, quoi qu'elle pouvait très bien se saisir de l'occasion pour le rembarrer et ainsi se faire justice elle même en exerçant une petite vengeance. Ce serait dommage, mais après tout des femmes, il y en avait d'autres prêtes à lui sauter au cou en un claquement de doigts. Elle était devenu une sorte de challenge et il aimait l'idée de s'être lancé dans un marathon de longue haleine mais il ne renonçait pas pour autant à occuper ses nuits avec des filles plus « faciles ».

Elle avait refusé cette nouvelle boisson. Certes, l'attention était délicate. Mais elle l'avouait sans mal, elle n'en avait plus la moindre envie. Elle avait saccagé un ensemble avec ce même arôme de café noisette, elle refusait d'en boire la moindre gorgée. On dira que c'était par respect pour ses fringues, afin de faire dignement le deuil de ce sublime chemisier. Le jeune homme allait probablement regretté d'avoir dépenser de l'argent inutilement, dans un café qu'elle devait être la seul à consommer dans tout le quartier. Tant pis. Elle ne le lui avait pas demandé après tout... D'ailleurs son geste l'étonnait quelque peu. Pourquoi se montrer agréable alors qu'un peu plus tôt il s'était carrément foutu d'elle ? Eliséa ne perdit pas de temps pour l'interroger, formulant le tout à voix haute. Méfiante, surtout lorsqu'elle était en position d'infériorité et qu'elle ne maitrisait pas les évènements ; elle le gardait à l'œil et craignait que cela cache quelque chose. De façon détournée, elle lui demandait simplement ce qu'il foutait encore là ; lui, le mec à la gueule d'ange mais aux manières de goujats... Il prit son temps pour lui répondre, ce qui ne présageait rien de bien bon pour elle. Eliséa le fixait, sans ajouter le moindre mot. Elle attendait tout simplement qu'il se décide à parler, à lui fournir une réponse potable. Et cette dernière arriva. Pour son plus grand bonheur ? A voir. Surtout avec ce qu'il lui disait. « Je suis drôle ?! » Il était sérieux, là ? Il osait dire à une nana qui venait se ramasser son café sur la tronche qu'elle était risible ? Ok, il avait précisé qu'elle n'avait pas à se froisser pour cela. Cependant c'était plus fort qu'elle, elle affichait une petite mine, manquant cruellement d'amabilité. Son « sacré caractère », comme il venait de dire, parlait de lui-même.

Elle s'empara finalement du gobelet, revenant sur sa décision. Et comme s'il s'agissait d'un bon verre de whisky, elle en bu une gorgée. N'ayant rien d'autre sous la main pour faire passer le tout, elle avait céder face à la délicieuse odeur de noisette qui s'en échappait. Il devait l'observer avec cet air amusé, le même qui n'avait pas quitté son visage lorsqu'elle s'était énervée toute seule en pestant contre tout le monde. Par chance, il venait d'annoncer qu'il devait y aller. Cela se traduisait dans le cerveau de la jeune femme par un « Tu ne vas plus supporter mon sourire en coin... ». Il lui avait tendu la main pour la saluer, mais au lieu de s'en emparer et de lui dire au revoir poliment, elle se mit à farfouiller dans son sac. Elle le fit attendre un petit moment comme ça, puis finit par relever la tête. Sans lui adresser de regard franc, elle déposa une carte dans la paume de sa main. Il s'agissait d'un pressing. Sur cette dernière, elle ajouta sa propre carte de visite, au nom de la galerie certes, mais avec ses propres coordonnées au verso. Puis, avec tout l'aplomb du monde, elle se permit de commenter, offrant donc quelques explications. « Avec la première carte, vous demanderez à quelqu'un de passer récupérer quelque chose à l'adresse de la seconde ! A votre nom si vous êtes un gentleman bien sûr. » Elle poussa son sac sur la table, et se leva à son tour. Elle aussi pressée, elle n'allait pas perdre de temps. Culottée ? Si peu... Se sentant presque obligée de fournir davantage d'explications concernant son nouveau changement d'attitude, elle ajouta : « Je ne me laisse jamais abattre très longtemps voyez-vous... Bonne journée, Monsieur dont-je-ne-connais-pas-le-prénom. » Non, elle n'était pas bipolaire. Elle voulait juste qu'il lui paye la facture du pressing !

La jeune femme avait visiblement mal prit sa petite remarque., cela ne le fit que sourire davantage. Oui, elle était drôle lorsqu'elle s'énervait, et alors, le rire n'était-il pas le meilleur moyen pour désamorcer une crise ? Elle aurait dû être flattée par cette remarque, mais son orgueil semblait lui interdire d'avoir une once d'humour. Et ce n'était pas comme si il n'avait prit aucune précaution oratoire, il lui avait dit de ne pas se vexer, ses paroles n'allaient pas dans le sens d'une moquerie mais elle les avait pourtant prises comme telle. Pour éviter d'en rajouter une couche et de s'enfoncer dans l'incompréhension mutuelle, il se contenta acquiescer d'un simple mouvement de tête, mais elle ne se dérida pas pour autant. Il haussa les épaules d'un air nonchalant quand elle détourna son regard de lui pour le reporter sur le gobelet de café encore fumant qu'il avait déposé quelques minutes plus tôt devant elle. Cédant à l'appel du goût noisettes à défait de celui de la caféine, elle porta le gobelet à ses lèvres pour en prendre une gorgée sous le regard amusé du jeune homme qui croisa les bras sur sa poitrine d'un air triomphant. Il finit par réaliser l'heure qu'il était, l'entraînement allait bientôt débuté et il connaissait la sainte horreur qu'avait leur coach des retards. Il tendit donc la main à la jolie blonde pour lui dire au revoir mais au lieu de lui donner la sienne, cette dernière se mit à farfouiller dans son sac. Surpris et quelque peu déstabilise, le jeune homme laissa retomber sa main et lui jeta un coup d'œil curieux. Il se demandait ce qu'elle pouvait bien chercher dans son sac qui pourrait avoir un rapport avec lui. Après leur petite altercation, il doutait que ce soit pour lui prendre son numéro de téléphone, elle ne souhaitait certainement pas le revoir. A en voir l'expression de son visage, elle se réjouissait du petit effet que son geste avait sur lui, faire languir les hommes devait être une de ses spécialité.

Elle finit par en sortir une carte, puis une autre, qu'elle déposa successivement dans la paume de la main du jeune homme. Elle lui expliqua l'utilité des deux cartes, sous le regard ahuri du jeune homme qui ne se démonta pas pour autant. Elle avait du culot, et un aplomb hors du commun, après-tout, ce n'était pas lui qui lui avait renversé du café dessus. Elle avait qu'à aller voir le maladroit qui lui avait fait ça. Lui n'avait fait qu'en rire mais il n'y était absolument pour rien. Ce n'était quand même pas sa faute si elle ne regardait pas où elle allait, et c'était à lui de payer la facture juste parce qu'il avait osé rire de la situation et qu'elle n'avait pas d'humour. Il allait lui balancer tout cet argumentaire en pleine figure mais elle ne lui laissa pas le temps de le faire, elle se dirigeait déjà vers la sortie. Ugo jeta un coup d'oeil aux carte et tomba sur les coordonnés de la jeune femme au dos de la seconde. Un fin sourire éclaira son visage, elle lui avait apporté elle même sur un plateau d'argent le moyen de rester en contact. Elle qui comptait se débarrasser de lui et en plus lui faire payer la facture allait se trouver avec lui dans les pattes pendant un petit moment encore. Il la rejoignit et lui ouvrit galamment la porte, de façon théâtrale. Au moment de la quitter, il ne pu s'empêcher de la moucher une dernière fois histoire de lui enlever cet air de suffisance du visage.

« J'espère que vous avez bien profité de votre café mademoiselle Alberici, à bientôt alors ! »
Oh non, la belle et joliment nommée Elisea Alberici était loin d'avoir gagné. La partie de faisait que commencer et elle avait trouvé un joueur de taille.