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Maman, c'est super sympa de me rendre visite, mais je vois bien que t'es simplement venue t'assurer que je m'en sortais tout seul. Donc oui : ça va ! Oui, je mange à ma faim. Oui, j'ai un lit, et même des draps et des oreillers ! Dingue, non ? Oui, j'ai un balais pour faire le ménage et des produits d'entretien ! Oui, je ne mélange pas le blanc et les couleurs quand je fais ma lessive... » J'ai beau aimer ma mère, aussi douce et prévenante soit elle, il est indéniable qu'elle est envahissante et littéralement « casse-couilles ». Excusez mes mots et le manque cruel de politesse dont je fais preuve, mais j'ai l'impression d'arriver à un point de non-retour alors qu'elle dort sur mon divan depuis seulement deux nuits. Et tout cela pour s'assurer que je suis bien installé. A croire que je suis encore son petit fils adoré, son petit chouchou, son chérubin fragile et innocent. Dans le fond, l'attention me touche. Mais il m'était impossible de cacher que j'aurais préféré moins d'entrain et d'investissement dans cette tâche de sa part. Et puis je ne suis pas près d'avouer un truc pareil ! J'ai tout juste 18 ans, ma majorité en somme, et j'ai souhaité emménager seul. Plus d'un parent serait heureux de se débarrasser enfin de sa progéniture. Ma mère semblait être collée à moi comme une bernique à son rocher. J'aurais pu partir à l'autre bout de la planète qu'elle m'aurait probablement suivi ! «
Fais pas la gueule Mat', m'avait-on dit lorsque j'avais appris qu'elle allait venir me voir.
Elle te fera ton repassage et les poussières ! » Super. Sauf que ma mère n'était pas ma femme de ménage ! Elle avait fondé la base de ce qu'était ma vie actuelle, m'offrant avec mon père un exemple formidable d'une vie de couple heureuse, d'une vie de famille extraordinaire ! J'avais même eu une enfance heureuse, installé à Naples depuis ma naissance. Ils m'ont protégé, et je leur en serait à jamais reconnaissant. Car la vie ne fait pas de cadeau ! Pas lorsqu'on l'affronte tout seul et qu'on y est contraint ! «
Je sais que tu ne veux que mon bien. Fais en sorte de le vouloir... un peu moins fort ! Ok ? » J'esquissai un léger sourire, afin de la rassurer. Je ne lui en voulais pas. Après tout, elle avait toujours été ainsi à mon égard. Il fallait simplement qu'elle comprenne que son fils était maintenant une homme indépendant ; que j'avais un boulot et que je menais ma petite ville comme un chef. Faisant le tour de l'appartement pour ramasser ce que j'avais laissé trainer par-ci, par-là en arrivant, elle m'adressa un regard complice et ne pu s'empêcher d'y aller de sa petite réflexion ! «
Vivement qu'une femme partage ta vie, tu te décideras peut-être à ranger tes affaires en voyant les siennes à leurs places ! … D'ailleurs, comment va ton amie... Eum... Alyssa, c'est ça ? » Je la fixais, les yeux ronds. Venait-elle réellement de faire le lien entre Rossi et la femme censée ordonner ma vie future ? Je décidais de répondre comme si de rien était, mais ça ne l'arrêta pas. Elle redoubla de curiosité, en ne laissant pas au hasard ses petits sous-entendus. «
Maman, va te reposer dans ma chambre... Je t'apporte une infusion, tu dérailles. »
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Elle venait de sortir de la douche, lorsque la porte d'entrée avait claquée. Je le savais car je venais d'entendre l'eau se stopper instantanément. J'en avais l'habitude. Mais cette fois-ci, l'envie de me glisser avec Alyssa sous le jet d'eau s'était envolée. J'étais trop fatigué, un brin agacé aussi. Enfin ma journée avait été trop longue à mon goût, si bien que je ne prenais même pas la peine de faire la moindre remarque à ma colocataire et meilleure amie, petite amie aux yeux de quelques personnes. Après deux ans de colocation, sa passion pour la salle de bain et sa cabine de douche n'avait plus de secrets pour moi, pauvre homme que j'étais !
«
Wouah ! Mais c'est que tu m'as l'air d'une humeur radieuse ! » -lança-t-elle en débarquant dans le living-room, avec une serviette sur la tête. Elle venait de me découvrir, assis sur le canapé, une bière dans une main et bien évidemment une clope dans l'autre. Elle avait fait preuve de toute l'ironie du monde, soulignant sans mal le fait qu'on ne pouvait pas afficher une mine plus défaite que la mienne. S'approchant, la jeune femme séchait avec soin et conviction ses cheveux blonds, et fini par me laisser tomber sur l'accoudoir, juste à côté de moi. «
T'es moche quand tu fais la tronche ! » C'est qu'on appelait plus communément sa « légendaire franchise », qui pour le coup n'avait pour simple but que de me décrocher... «
Oh un sourire ! -Gagné !
N'bouge pas, je vais chercher le champagne pour fêter ça ! » Sans pour autant lâcher ma bière, je fis en sorte de passer mon bras autour de sa taille pour l'empêcher d'aller plus loin. D'un simple geste, je la fis passer par-dessus son petit siège improvisé, et elle prit place au-dessus de moi. Difficile de décrire l'attitude qu'elle adoptait avec moi. Du moins lorsque nous étions seuls. En public, elle semblait jouer la meilleure amie, devenue petite amie avec le temps. L'un comme l'autre, avions toujours eu conscience de cette comédie. «
C'est ça, moque toi ! Fais la maline ! » Elle m'avait piqué ma bière et moi, je venais d'écraser ma cigarette dans le cendrier, juste derrière elle sur la table basse. De ce fait, ma main libre s'était plaquée avec fermeté dans son dos, afin de la soutenir tout en me penchant légèrement en avant. Notre lien était à mes yeux si fort qu'il m'était impossible de m'en détacher. Elle se voulait taquine, arborant un sourire en coin tout en usant et abusant de fines provocations. «
Moi ? Je n'oserais pas, voyons... Tu me connais ! » Cet air était sans doute trop innocent pour paraître sincère. Justement, je la connaissais que trop bien. Elle me fixait, avec cette lueur dans le regard, jusqu'à finalement perdre ce voile si sérieux et me tirer la langue. Une vraie gosse ! Elle ne pu s'empêcher de rire doucement, alors que je me rapprochais, pour venir voler ses lèvres et soit disant punir son arrogante petite langue ! M'attirant contre elle, son corps tout entier semblait m'appeler. Partageant un baiser devenu plus brûlant qu'anodin et plaisantin, j'en oubliais presque qu'elle était ma meilleure amie. Qu'il m'arrivait de faire la tête à cause d'une autre, bien loin de mériter tant d'attention. Juste nous. Le reste, je m'en fichais royalement ! Il n'y avait que sur sa peau que je semblais réellement apprécier l'odeur du savon, alors que mes lèvres se délectait de sa bouche, pour finir par glisser jusque dans le creux de son cou. Impossible de savoir avec précision comment tout cela avait finit par arriver. Mais putain, ce que c'était bon.