« Tu m’en remet un, Tony ? » Demanda Theo au serveur en désignant sa tasse de café. Oui, il en était conscient, il buvait beaucoup trop de café. Il était 17h, c’était sa quatrième tasse de la journée, alors que d’habitude il en buvait le double en se levant. Quoi qu’il en soit, il avait eu un réveil bien matinal aujourd’hui, s’étant levé à 7h pour être à la galerie à 8h, et le restau de hier ayant tardé dans la nuit, il n’avait pas eu autant d’heures de sommeil qu’il le souhaitait. Il avait pu quitter le travail à 15h mais avait encore de la paperasse à effectuer pour le prochain vernissage qui avait lieu dans quelques semaines et n’ayant pas envie de rentrer dans la villa vide, car il savait que sa colocataire travaillait cet après-midi, il avait préféré traîner dans ce café. Il n’était arrivé en Italie qu’un mois plutôt et pourtant il avait déjà ses habitudes dans cet endroit. Il venait y traîner souvent après le boulot, il aimait ce quartier. En effet, c’était le quartier de son père. D’ailleurs, ce café était déjà là du temps de son enfance, et il passait devant tous les matins en allant à la boulangerie avec son frère, mais n’avait jamais passé le seuil. Pour les premiers jours de son installation à Naples, devant s’occuper de la maison de son père récemment mort, il avait donc passé de nombreuses heures dans ce café, espérant faire des rencontres et détestant la solitude de la maison vide où son père avait habité. C’est ainsi qu’il était devenu pote avec le serveur, Tony, grand gars baraqué qui parlait à tous ses clients comme s’il les connaissait depuis toujours.

Souvent, ses pensées le menaient vers Allegra. Après tout, ce quartier était également celui de la jeune femme, et le berceau de tous leurs souvenirs. Tous ces jours passés assis sur un muret à regarder les gens passer en rêvant des artistes qu’ils seraient quand ils seraient grands, ils avaient explorés ce quartier en long et en large et le revoir, des années plus tard, lui rappelait tous les moments inoubliables qu’il avait passé ici. Il savait qu’il devait aller la voir, la retrouver. Il ne savait pas où la chercher, mais s’était dit qu’il devrait aller sonner à la maison de ses parents, espérant qu’ils y habitaient toujours, et leur demander la nouvelle adresse de la jeune femme. Mais il n’avait pas le courage, pas le cran. Il avait vraiment peur de la réaction qu’elle pouvait avoir, ou pire, qu’elle n’en ait aucune. Qu’elle ne le reconnaisse pas ou qu’elle se fiche de le revoir, ça serait pire que tout. Le nez toujours plongé dans ses papiers, tout en ayant laissé son esprit divaguer, il releva le menton brusquement en entendant une voix passer une commande. Non, ça avait probablement été une hallucination due à ses pensées, mais il aurait juré entendre Allegra. C’était stupide, après tout sa voix, depuis 8 ans, avait changé, c’était évident. Par curiosité tout de même, il tourna la tête dans la direction de la voix. Le coup qu’il reçut dans l’estomac fut presque physique : c’était elle, aucun doute. Elle était assise près de la fenêtre, de profil par rapport à Theodore. Elle avait le même visage, un peu plus adulte et fin qu’avant, ses cheveux étaient plus lisses, mais il n’y avait aucun doute, c’était elle, elle avait gardé son air rêveur et était toujours aussi jolie. Non, il ne fallait pas penser, pas réfléchir aux pour et contre d’aller la retrouver, sinon il changerait mille fois d’avis. Il fallait y aller maintenant, à l’instinct.

Il se leva, comme hypnotisé, décidé à ne pas faire marche-arrière et, laissant toutes ses affaires éparpillées sur la table, se dirigea vers celle d’Allegra. Elle avait le visage tourné vers la fenêtre et ne le vit pas arriver. Theo s’assit, le bruit de la chaise avertissant finalement la jeune femme qui tourna un visage surpris vers lui. Bon, maintenant, parle mon grand. « Huuum, Allegra ? Je… euuh… Bonjour. » Vraiment ? Bonjour ? t’as rien de mieux, genre " tu m’as manqué, content de te voir ?"

*saleté de porte* Il fallait vraiment que Giovanni songe à réparer la porte de la maison familiale. Cela faisait tellement de temps qu'elle était dans un piteux état, et très dure à fermer. Allegra rendait visite à son père aussi souvent qu'elle le pouvait. Elle voulait lui redonner le sourire qu'il avait encore perdu. Veuf et un enfant en moins. On ne peut pas dire qu'il avait été gâté dans sa vie. Alors que trop de personnes mauvaises profitaient de la chance qui leur avait été donné à la naissance, son père, lui, honnête homme n'avait pas eut la vie facile. Allegra adorait son père, mais elle désespérait de le voir mal à ce point. Alors pour lui, elle restait forte. La jeune femme était perdue dans ses pensées. Marchant dans les rues du quartier Vomero, Allegra avait besoin d'un café. Elle avait bossé toute la nuit sur de nouvelles photos et sentait la fatigue l'assaillir.

Son regard se porta vers le petit café du quartier. La jeune femme avait souvent pris un verre - ou plutôt un café - avec ses amis de quartier ou son père et son frère. Avec un sourire, elle entra dans le café. Il y avait pas mal de monde. Allegra alla s'assoir directement vers une table près de la fenêtre. C'était sa place préférée, on pouvait déguster un délicieux café, tout en observant les rues d'Italie. Une jeune serveuse, avec un air assez prétentieux s'approcha de la table de la jeune femme pour prendre sa commande.

« un mocha bien chaud avec le petit spéculos qui va avec »

répondit Allegra sans même accorder un regard à la serveuse un peu trop prétentieuse. La jeune femme adorait avoir un comportement de garce avec ce genre de personne. Elle eut un petit sourire lorsque la serveuse s'en alla et sortit de son sac, le dernier numéro d'un magazine pour les photographes. Elle était en pleine lecture d'un article intéressant sur la retouche d'images, lorsqu'un jeune homme s'assit à sa table. Étonnée, Allegra leva de grands yeux ronds vers l'inconnu qu'elle avait en face d'elle.

« Huuum, Allegra ? Je… euuh… Bonjour. »

Alors c'était le pompom ! Comment ce jeune homme connaissait son prénom ? Elle ne l'avait jamais rencontré auparavant. Un grand blond avec une gueule d'ange. Elle s'en serait probablement souvenue. Mais alors lui, non jamais vu. Ou peut-être lors d'une soirée un peu trop arrosée ? Allegra avait beau faire une analyse complète de son visage, elle ne voyait vraiment pas qui il était.

« et tu es ? »

Assez sec comme question, mais au moins très claire. Au moment où elle posa la question, elle plongea son regard dans celui du jeune homme et elle se souvint alors où elle l'avait vu ! Ce petit garçon avec qui elle avait passé plusieurs moments dans son enfance; qui était parti un jour et qui n'avait plus JAMAIS donné de nouvelles. Un énorme sourire s'éveilla sur le visage d'Allegra, et elle se jeta dans les bras de Theodore, son amie d'enfance. Mais elle reprit ses esprits et son sourire s'estompa par le souvenir qu'il ne l'avait jamais rappelé. En un instant, la jeune femme s'énerva contre lui. Elle lui donna une petite tape et s'exclama.

« OH TOI ALORS ! JE POURRAIS TE TUER ! »

Dès que les mots sortirent de la bouche de Theo, il les regretta. Il avait tant de choses à lui dire et c’est tout ce qu’il avait trouvé comme formule d’entrée ? Minable. Il voulait lui dire qu’il était heureux de la retrouver, qu’il était désolé pour avoir disparu dans la nature sans donner signe de vie, qu’elle lui avait terriblement manqué et qu’il retrouvait un peu de son amie dans chacune des photos qu’il prenait. Mais rien de tout cela n’avait voulu lui venir à l’esprit quand il en aurait eu besoin. Dès qu’Allegra leva les yeux vers lui, cela lui causa une décharge. Son regard était resté intact, mais n’était pas dirigé vers lui de la même façon. Elle ne le reconnaissait pas. Pas bien étonnant. Cela faisait combien de temps qu’ils ne s’étaient plus vus ? Un rapide calcul plus tard, Theodore se rendit compte que cela faisait 8 ans. Ils avaient tous deux bien changés en huit années. D’ailleurs, physiquement, Allegra n’avait plus grand-chose en commun avec la gamine de 14 ans qu’elle était à l’époque, mais il aurait pu la reconnaitre entre mille. A l’intonation de sa voix, à la moue qu’elle arborait continuellement, à son haussement de sourcil sarcastique, qu’elle fit justement en lui demandant qu’il était. Logique, elle devait le prendre pour un naze sorti de nulle part pour la draguer.

Theo prit une inspiration. Par où commencer ? Allegra, c’est Theodore, tu te rappelles, le gamin avec qui tu jouais petite et qui s’amusait à te faire BOUH dans les couloirs de ta maison ? Il réfléchissait à comment lui présenter les choses le plus clairement possible mais il n’en eut finalement pas besoin. Elle se jeta dans ses bras sans prévenir et une fois l’effet de surprise passé, il lui rendit son étreinte avec plaisir. Ca faisait du bien de la retrouver. Le bonheur des retrouvailles ne fut pas long car elle se détacha brusquement de lui et la réaction que Theo attendait, la colère, ne tardait pas à venir. En effet, il n’avait pas assuré sur ce coup-là. Elle lui donna un coup qu’il accepta avec un faux cri de douleur, à vrai dire il n’avait pas senti grand-chose, et attrapa le poing de la demoiselle avant qu’elle ne puisse recommencer et la prit dans ses bras à nouveau en riant. « Je sais, je sais. J’aurais pas dû disparaitre comme ça. » dit-il en la relâchant. « Et j’en suis désolé. » Il lui fit sa petite mine qu’il faisait toujours du temps de leur enfance, quand il avait fait une gaffe et qu’il cherchait à se faire pardonner, en espérant que ça marche toujours. Voyant que ça ne fonctionnait pas des masses, il reprit « En tout cas, si ça peut changer quelque chose, t’as pas idée comme tu m’as manqué. »

Non mais quelle blague ! Theodore ne pensait quand même pas qu'elle allait céder aussi facilement ! Il l'avait laissé pendant huit ans. Huit années où elle s'était demandé ce que son ami d'enfance était devenue. La première année, elle avait attendu bien longtemps, mais il n'était pas revenue. Il avait disparu. POUF plus personne en quelques temps. Ni coup de fil, ni lettre, ni même une conversation sur skype. Non RIEN ! Et Theodore pensant qu'en débarquant comme ça dans un café avec son grand sourire, elle allait lui tomber dans les bras ? Allegra n'était pas de ce genre et elle lui en voulait d'être parti. Le jeune homme lui fit même sa petite tête toute triste qu'il avait l'habitude de faire étant enfant. Un peu la même que faisait le chat Poté dans Shrek pour attendrir les soldats. Mais Allegra n'allait quand même pas se laisser berner. Il fallait résister. Certes, elle avait une grande envie de lui raconter les moindres détails sur ces huit dernières années et également de savoir tout ce qu'il avait fait. Mais se faire languir était le meilleur moyen d'obtenir ce que l'on veut des hommes et ça, Allegra le savait très bien. La dernière phrase de Theo, en revanche, avait eut le don d'attendrir un peu la jeune femme.

« Je t'ai ... manqué ? »

C'était un choc pour la jeune femme. N'ayant eut absolument aucune nouvelle depuis huit ans, Allegra ne pensait pas qu'elle avait pu manquer à Theodore. La jeune fille baissa la tête et essaya de masquer un sourire. Elle était contente de le revoir, c'était sûr et certain. En colère contre sa négligence mais ravie. A présent, elle voulait tout savoir sur lui et sur ces dernières années. Allegra usa de la ruse pour lui faire cracher le morceau.

« Si tu veux te faire pardonner, je te conseille de me dire absolument tout sur ces dernières années. La dernière fois que je t'ai vu, j'avais devant moi un petit homme boutonneux. »

Theodore avait beaucoup changé durant les huit dernières années. D'ailleurs, Allegra le trouvait vraiment très beau. Fort heureusement, il avait conservé sa chevelure blonde, et son sourire était d'un charme ! Elle n'arrivait à croire qu'elle avait devant elle le petit garçon de son enfance. Celui avec qui elle avait fait tant de bêtises. Allegra lui sourit.

Au fond, Theodore savait qu’il avait encore l’âme de l’ado têtu et taquin qu’il était 8 ans plus tôt, et il savait qu’il en allait de même pour Allegra. Il remarqua bien qu’elle se faisait violence pour ne pas sourire devant sa petite mine attristée et pourtant elle résista. Elle devait vraiment être en rogne, pour ne pas s’attendrir devant une moue pareille. Theo ne pouvait que la comprendre, au fond. Il l’avait quitté à la fin des vacances, l’année de ses 15 ans, Allegra en avait 14, avec les habituelles promesses de s’écrire et de se raconter tout pendant l’année jusqu’aux vacances d’été prochaines, où il reviendrait passer les deux mois à Naples avec son amie. Le coup des e-mails pendant l’année, ils ne s’y tenaient pas vraiment. Peut-être un court message à Noël ou au nouvel an pour se souhaiter de bonnes fêtes, un petit message de bon anniversaire l’un pour l’autre et c’était tout. Ils n’étaient pas vraiment du genre à s’étendre sur leurs vies respectives via msn. Mais chaque mois de juin, ils se retrouvaient en grandes effusions et étaient inséparables pour les deux mois suivants. Sauf que Theo ne vint pas cette année, sans même prévenir Allegra. Il savait qu’il aurait dû le faire, mais avec son déménagement à Bristol, les choses s’étaient compliquées et la relation houleuse que son père avait avec le reste de la famille s’empira davantage. Il avait envie de revenir voir son père à Naples mais avait peur de la réaction de sa mère et de son frère, qui ne supportaient pas le fait qu’il les ait abandonné et soit reparti vivre en Italie. Il voulait simplement oublier Naples et tout ce que cette ville impliquait mais désormais qu’il y était à nouveau, il savait que ça n’avait jamais été une bonne idée. Et Allegra lui avait manqué beaucoup trop. Il voyait un peu d’elle dans chaque photo qu’il prenait, dans chaque rire cristallin qu’il entendait, dans chaque chevelure châtain qu’il apercevait. Après tout, il avait grandi avec elle, il avait évolué grâce à elle et ce n’est pas quelque chose qui s’oublie facilement. D’ailleurs, il ne l’avait jamais avoué haut et fort mais il était amoureux d’elle quand ils étaient petits. A l’adolescence, il avait d’ailleurs dû se répéter plusieurs fois que craquer pour une Italienne, quand on vit en Grèce, c’était juste impossible. Elle eut l’air surprise quand il lui dit qu’elle lui avait manqué. Comment donc pouvait-elle ne pas s’y attendre ?

« Bien sûr que tu m’as manqué. Pourquoi, t’as pas pensé une seule fois à moi, toi, durant toutes ces années ? » Lança-il avec un sourire espiègle, avec une authentique curiosité derrière.

Elle lui dit ensuite que s’il voulait se racheter, il devait tout lui raconter sur ces dernières années. Dis donc, ça n’allait pas être du gâteau. « Vraiment tout, t’es sûre ? Parce qu’il y a des trucs que tu préfererais ne pas savoir, fillette… » Répondit Theo avec l’air faussement supérieur qu’il prenait souvent sous prétexte qu’il était légèrement plus âgé qu’elle. « Bon, alors, première nouvelle, c’est que si je ne suis jamais revenu ici, c’est parce qu’on a déménagé en Angleterre, ça a déclenché toute une histoire entre mes parents et donc on est pas revenus mon frère et moi. J’ai pas vu mon père depuis, et comme il est mort il y a deux mois, je suis revenu pour m’occuper de la sucession. Et finalement, je m’installe ici. » Continua-t-il avec un grand sourire signifiant" héééé oui, tu vas encore m’avoir sur le dos pour de looongues années, petite !" « Je me suis dégoté un boulot dans une gallerie dans le centre, c’est parfait. Et toi ? » Demanda-t-il en faisant un geste en direction de la revue de photographie que la jeune femme lisait avant qu’il débarque. « T’es fidèle à la photo, on dirait ! »

« Penser à toi ? Certainement pas, j'étais beaucoup trop occupée à gérer ma vie de photographe célèbre et artistique. Toutes les galeries s'arrachent mes clichés et ils sont d'ailleurs estimer à plusieurs millions d'euros figure-toi ! »

Ouh le gros mensonge. Bien sûr qu'Allegra avait pensait à son adorable petit Théodore, surtout à partir du moment où il s'était volatilisé comme ça, sans rien dire, sans jamais revenir à Naples ou reprendre contact avec elle. Il y a eu tous ces étés passés ensemble à refaire le monde, et leur amitié était restée, même à l'adolescence où on commence à choisir ses véritables amis et bien, il faisait parti de ceux-là. Leur lien était fort, et sacrée et Theodore l'avait brisé. Allegra espérait au moins qu'il avait une bonne raison à tout cela. Car se faire la malle pour rien, en quittant son amie d'enfance, c'est méchant. Theodore, lui demanda si elle souhaitait connaitre absolument tout en la traitant même de "fillette".

« Je ne suis plus une fillette "Theochou", je suis une grande fille maintenant ! Regarde ! Mes seins le prouvent je suis une femme ! »

Plaisanta Allegra avec un grand sourire. Elle espérait ne pas avoir choqué son ami, de toute façon, il devait savoir qu'elle n'avait pas la langue dans sa poche et qu'elle pétillait sans arrêt. Oui comme la Badoit. Elle était fine et pétillante ! La jeune femme écouta le résumé des huit dernières années de Theodore. L'Angleterre ? Quel chance, Allegra en rêvait depuis toute petite, les anglais et leurs coutumes la fascinaient. Mais bien sûr, la vie de son ami au pays du thé et du pudding n'avait pas du être de tout repos. C'était donc à cause de son père, qu'il n'était jamais revenu. Il ne l'avait jamais revu. Quelle horreur. Allegra se demanda ce qui avait bien pu se passer entre son père et le reste de la famille pour rejeter à ce point un membre de la famille. D'ailleurs, la mort de son paternel ne semblait pas affecté Theodore plus que ça. La jeune femme s'apprêtait à demander la raison de tout ça lorsque son ami enchaina sur la photographie, passion commune depuis leur enfance. Elle répondit avec un grand sourire.

« Oui toujours ! D'ailleurs je travaille pour ce magazine en tant que photo du mois. J'essaye de trouver des trucs sympas, d'innover, de défier la politique, la nature ou autre, ou alors de dénoncer des sujets, ça c'est ma spécialité. J'adore ça. Ma politique ? Montrer tout tel que c'est réellement. Tu vois ce cliché ? »

Allegra montra au jeune homme, une magnifique photo d'un oiseau sur une maison italienne. La luminosité était parfaite, de même que le cadrage. L'oiseau avait une posture droite, et fière, il semblait regarder les italiens que l'on distinguait dans les rues de Naples. L'oiseau lui-même était une mouette. C'est blanc une mouette non ? Et bien celle-là était noire comme les enfers. Sa présence était presque gênante dans la photographie. Elle mettait mal à l'aise. Allegra apporta son explication.

« Cette mouette noire représente le symbole de la pollution en Italie. Elle est là sur la maison à scruter les passants, se demandant qui seront les victimes de la pollution. Alors qu'elle est elle-même une victime tu comprends ? ( pause )Tony est mort. »

Il fallait bien que ça sorte, alors autant que ce soit maintenant, sur le moment, en parlant de photographie, c'était la même chose. Son frère jumeau Tony était mort. C'est vrai qu'il n'avait jamais trop trainé avec Theo. D'ailleurs Allegra n'avait jamais compris pourquoi, mais Theodore le connaissait et il devait le savoir.